Vendredi 4 septembre 2020 :
Dés potron minet, l'appareil photo en bandoulière, nous rejoignons le cuvage.
Nous sommes arrivés hier soir, à Fleurie dans le Beaujolais.
6h00 - À l'est, le Mont Blanc se découpe sur la ligne d’horizon, gros gâteau à la crème
sur fond de ciel rose. Il fait 14 degrés.
6h45 - Les tracteurs et les fourgons quittent la maison et le dortoir.
7h00 - Le jour est levé. Le terrain bourdonne de l’activité d’une vingtaine de Polonais
dont trois porteurs de hotte qui descendent la pente raide et caillouteuse avec une charge
de septante kilos sur le dos. Les cueilleurs, dos courbé, filent entre les lignes de ceps, arrachant les grappes de leurs mains gantées. Ils sont payé à l'hectare qu'ils couvrent
en une demie-journée.
7h45 - Le Mont Blanc est gris. Il disparaît écrasé par le soleil qui le surplombe.
La journée sera torride.
8h00 - Je redescends vers le cuvage. Les odeurs de vin titillent mes narines.
Patrick, le patron, est occupé à l’arrosage des cuves : chaque jour, il pompe par le bas
de la cuve, 6000 litres de jus afin de l’aérer puis le réinjecte par le haut de la citerne.
Il en profite pour en mesurer la densité et la température.
Demain matin, il effectuera le pressurage : les cuves dans lesquelles le vin est resté huit jours sont vidées puis terminées à la fourche par un ouvrier qui s’est faufilé dans la citerne.
Les rafles sont passées au pressoir. Le vin qui en sort contient déjà, à un degré près,
son taux d alcool définitif.
9h00 - Didier qui a déjà vendangé m’avait dit: "tu vas voir le casse-croûte est terrible".
Aussi, je m imaginais un vrai repas campagnard avec nappes à carreaux et paniers d'osier. C'est sans doute le verre de vin à une heure si matinale qui a dû le séduire car les Tupperwares garnis de saucisson, chocolat et Baby Bel, alignés sur une planche
au bout de la remorque, ne sont pas très photogéniques.
Pour les vendangeurs, ce moment de répit est bienvenu.
Les conversations sont en polonais, français, anglais ou Google translation:
" Smacznego - Bon appétit "
9.30 - Ça barbote dans les cuves. Patrick me tend un verre de blanc. Ce jus de deux jours est délicieux. Il est d’un beau jaune crémeux et opaque. Il ne contient pas encore d’alcool. Ce sera pour dans quelques jours.
Quand les tracteurs arrivent au cuvage, la benne rouge en polyester, remplie de raisin,
est penchée pour laisser couler dans une bassine métallique le premier jus causé
par les cahots sur les chemins. Puis elle est dressée à fond pour laisser tomber les grappes sur le tapis roulant qui les envoie dans la cuve après éraflage dans une vis sans fin.
Toutes les grappes ne sont pas éraflées.
12:00 - Une coupure de deux heures avant de reprendre le travail jusqu’à 18:00 puis,
c'est le retour au cuvage pour la dernière benne et le décrassage des cueilleurs au tuyau d’arrosage dans l’ancien lavoir.
Demain en fin d'après-midi, les cueilleurs fourbus, marqués par le soleil, retourneront
en Pologne en une seule étape de vingt deux heures.
Quant à nous, nous irons fêter « la revole », la fin des vendanges, comme invités
chez un autre viticulteur qui ne fait pas appel à des Roumains, des Bulgares ou des Polonais mais à de jeunes Français. Les vendangeuses y seront coiffées d’une superbe couronne
de pampres.
Samedi 5 septembre :
Nous enfourchons nos vélos pour un tour du Beaujolais. Nous croisons des tracteurs
aux remorques remplies de raisin. Nos pneus écrasent des grappes tombées sur la route.
Elles craquent comme du pain grillé. Nous traversons des villages calmes aux volets clos : Fleurie, Chenas, Julienas, Julié par de petites routes bucoliques avec de superbes descentes et des montées qui le sont tout autant, La Roche, Emeringes, Vauxrenard.
L'architecture rurale sent bon la France : bourg, ferme, château, gare, église, croix,
épicerie-bar, cimetière ou monument aux morts. Quelques routes arborées ombrent
notre dos. A certains endroits, elles sont tellement étroites que deux voitures ne peuvent
se croiser. Halte pique-nique à Saint Joseph, sous les platanes de l'église en compagnie
de Bernadette Soubirous. La descente sur Beaujeu, compense la montée aux cols de Durbize (541m) et de Truges (496m), d’où nous surplombons la vigne et le paysage. Heureusement que la batterie de nos vélos nous épaule.
Dimanche 6 septembre :
Très tôt, je pars à la boulangerie et croise les vendangeurs qui montent vers la vigne, entassés dans les fourgons ou dans des remorques aménagées avec quelques planches. D'autres sont déjà à l’ouvrage dans la fraîcheur matinale.
Au retour, je m'attable à l'extérieur pour déguster mon croissant. Le silence dans les vignes
est sidérant. Seul un corbeau isolé croasse.
Certains viticulteurs ont terminé les vendanges avant le 1er septembre.
Cette année est très hâtive. Sur les hauteurs, dans les coteaux surélevés,
le travail bat encore son plein mais à cause de la sécheresse, le raisin y est de moins
bonne qualité.
Depuis hier, 16h00, la Belgique a décrété que le Rhône était zone rouge. Nous sommes obligés de quitter cet endroit dans les 48 heures. De toute façon, nous comptions partir
vers le Vaucluse.
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