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  • Photo du rédacteurMarie-France Lesage

BALKANS

Dernière mise à jour : 7 janv.




Au petit matin d’un vendredi de septembre 2023, nous descendons du ferry à Durrës en  Albanie. La veille, le passage et le contrôle au port de Bari dans les Pouilles avait été long et compliqué. La Guarda di Finanzia fouillait tout, même les Suisses devant nous. Allait-elle trouver le Beretta de mon roman, celui que Delambre sort à la page 143?


Pendant que Didier avec les autres chauffeurs récupérait notre voiture coincée dans l’entrepont, je quittais le bateau avec le mort et les vivants, le croque-mort, son corbillard et son macchabée me précédant au poste frontière.


Deux mille ans avant nous, les Romains suivaient déjà le même trajet pour rejoindre l’Orient le long de la Via Egnatia qu’ils avaient construit en 146 av. J.C..

Des siècles plus tard, les Croisés emprunteraient le même itinéraire..


L’ancienneté de la route se perdait dans la nuit des temps.

C’était par là qu’au cours des trois derniers siècles

étaient passées presque toutes les croisades.

Ismaël Kadaré - Le pont aux trois arches.


Blue Eye


Nous avions déjà franchi la frontière albano-gecque en juin 2022. Juste pour une journée car maman étant au plus mal, j'avais du rentrer dare-dare à son chevet. Nous avions visité le site archéologique de Butrint, repris dans le patrimoine de l'Unesco, la résurgence appelée Blue Eye et la station balnéaire de Ksamil sur la côte adriatique de plus en plus touristique et urbanisée.


Durrës


Les distances sont courtes entre le port, la citadelle de Krujë et Tirana. La route entre les deux dernières est bordée de nouvelles entreprises. C’est une succession de marchands de meubles sur des kilomètres. Les bâtiments s’inspirant parfois de l’art antique sont grandiloquents. Les fenêtres anti-reflet, bleutées ou turquoises, jurent dans cet environnement chaotique.


L’Albanie était, sous le régime communiste, un des états les plus fermés au monde, l’une des dictatures les plus dures du bloc de l’est. Personne n’entrait ou ne sortait du pays. Il suffit de visiter l’ancien bunker construit sous le dictateur Enver Hoxha (1908 - 1985) qui court sous les administrations de la capitale Tirana pour se rendre compte de la férocité de la sureté de l’état, la Sigurimi. Les témoignages y sont poignants et terrifiants. Le régime est tombé en 1992. L’Albanie dont le régime avait élimé presque toutes formes de propriété privée était alors le pays le plus pauvre, le plus sous-développé et le plus isolé d’Europe.




Tirana, l´immense place Skanderberg.


Skandenberg est un héros du Moyen-Âge, emblème national de la lutte contre l’empire ottoman. Son sceau, l’aigle noir à deux têtes, se retrouve sur le drapeau rouge albanais .



Lac Koman


Sur la route de Berat, entre Belsh et Kuçovë, nous nous étonnons de découvrir des derricks. Amusé par notre curiosité, un vieux berger sort des hautes graminées sauvages et met en marche un de ces pompages surannés, couvert de rouille.




Après recherche sur internet, j’apprends que Shell investit depuis une dizaine d’années dans des forages de prospection et le Premier ministre albanais vient d’annoncer que la société pourrait investir 9 milliards d'euros dans la région. Le lendemain, la fantaisie de Waze, nous fait passer par des chemins empierrés et nous retrouvons le même décor : un paysage incroyable de derricks rouillés, avec de vieilles pompes toujours en activité où de grandes cuves de la période communiste se déglinguent et s´affaisent lentement. L’odeur de pétrole est prégnante, la terre aux alentours est calcinée.





Pour plus d'infos, lire l’article

L'air pestilentiel est empoisonné mais les habitants de Zharrëz, dans la principale région pétrolière d'Albanie, n'ont d'autre choix que de vivre au milieu des réservoirs rouillés, des derricks déglingués, des sols et des eaux contaminés, héritage vétuste de l'époque communiste….

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C’était un homme riche qui avait acheté récemment les vieilles mines de bitume abandonnées depuis l’époque des Romains.

" Naturellement, fit notre seigneur, le bitume qu’il extrait est noir. Noir comme la mort " 

En outre, ce bitume, qui, partout où il dégoutte, fait croître le malheur, était aujourd’hui du matériel de guerre et ce sorcier les vendait à n’importe qui , aux Turcs et aux Byzantins, comme aux comtes et aux ducs d’Arberie ( l’ancien nom de l’Albanie ), incitant les deux camps à se déchirer.

" Voilà ce qu’apporte ce bitume que tu t’apprêtes à laisser passer sur tes territoires. La mort. Le deuil."

Ismaël Kadaré - Le pont aux trois arches.

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Berat est une carte postale du pays. Un village coupé en deux par l’Osum. Sur la rive droite le quartier ottoman de Mangalem grimpe sur la montagne avec ses ruelles étroites et pentues et ses maisons blanches percées de nombreuses fenêtres qui à la nuit tombée illuminent avec magie la vallée. Un spectacle dont on profite magnifiquement sur la rive opposée, dans le quartier chrétien de Gorica. Les églises y pullulent comme dans la Kala, la citadelle, aux nombreuses ruelles toujours habitées. Les édifices religieux renferment des peintures et des icônes de toute beauté.



Église Sainte-Marie (XIIIe siècle) dans la citadelle de Berat.


Girokaster est la ville où sont nés Enver Hoxha, le dictateur, dont la maison natale a été détruite par un attentat en 1997, période de troubles sociaux incontrôlés suite à la chute des pyramides financières, et le célèbre écrivain Ismaël Kadaré plusieurs fois pressenti pour le Nobel de littérature. La maison de ce dernier superbement restaurée manque cruellement d’âme. Par contre, d’autres maisons-forteresses reconnaissables à leurs tours jumelées sont visitables. Ce sont des constructions typiques de la ville, érigées en hauteur sur plusieurs niveaux et chapeautées de lourds toits de lauzes dont le poids en a détruit plus d'une. Elles datent souvent du 18e siècle et sont toutes bâties sur le même plan. D’anciennes familles ont récupéré leurs biens expropriés sous le régime communiste et tentent de les préserver. À la différence de la maison d’Israël Kadaré, on y sent le souffle de l’histoire à chaque pas.


Nous quittons l’itinéraire touristique qui privilégie la superbe côte adriatique et quelques villes proches du littoral pour partir vers la frontière grecque.

Au pied de Tepelene, ville connue pour avoir été la résidence d’Ali Pacha, un Albanais, en révolte contre l'oppression turque dont Alexandre Dumas s'était inspiré pour un roman et que Lord Byron en route pour la Grèce avait rencontré, je remplis ma gourde aux nombreuses sources qui alimentent des aquariums remplis de truites.




La  route se rétrécit et serpente le long de vallée de la Vjosa.


Depuis 2023, ce fleuve sauvage, l’un des derniers d’Europe, est enfin reconnu comme parc naturel englobant plus de 400 km de rivières et près de 13 000 hectares. Les paysages et la biodiversité exceptionnels de la Vjosa étaient menacés depuis plusieurs années par une quarantaine de projets de centrales hydro-électriques. 

Pour plus d'infos, lire franceinfo.fr


Nous nous arrêtons à Benjé, près d’un vieux pont de pierre datant de la période ottomane et au dos-d’âne caractéristique. Comme tous les autres cours d’eau, la rivière est presqu’à sec. Je m’installe pour un court bain dans l’eau sulfureuse d’un des bassins. Ils sont naturels, non bétonnés et l’accès est gratuit. Malgré les relents d’oeuf pourri qui plane sur la vallée, cette baignade à 28° fait un bien fou.


Beaucoup de terre sont abandonnées, non cultivées. Quelques meules de foin chapeautées de plastic blanc ou des tiges de maïs dressées en faisceaux parsèment le paysage. À Permet, il y a cependant une production de vin mais il nous est impossible de trouver l’un des rares producteurs. Sans le passant qui est monté dans notre voiture pour nous indiquer le chemin de la Kantina Bualotti. nous n’aurions pas trouvé cette maison banale, isolée, dont le petit stockage se cache dans le garage. Le patron d’origine italienne produit en rouge, du merlot et du shesh i zi, un cépage local et en blanc, du debinë; nous goûtons du raki qui est un alcool à base de raisin.


Il n’est jamais difficile de trouver à se restaurer ou à se loger. L’accueil se fait souvent en anglais et même la grosse Ana dans son petit boui-boui, le pratique, utilisant un support numérique pour nous appâter avec les termes séduisants que sont : légumes de mon jardin, pain fait maison ou cuisine traditionnelle albanaise. Bref, on nous attend, on nous accueille et les prix peuvent passer pour un repas pour deux personnes de 8,00 à 35,00€. Les logements varient de 25,00 à 70,00€ dans la capitale. Un café coute 0,8€ à 1,00€.

Nous trouvons à nous loger dans la montagne. Un nouvel hôtel construit de gros rondins, comme au Canada, planté face à un lac reposant, le tout encerclé par la montagne. Nous sommes à 1000m d’altitude. Les chambres sont propres mais agencées à la mords-moi le noeud, les lampes de chevet sont placées à 2m20 de hauteur et au-dessus de la garde-robe. En général, les installations sont neuves mais les salles de bain sentent toujours mauvais. Il y a un problème général d’évacuation d’eau

L’hôtel est calme, nous sommes les seuls logeurs. De plus, la saison se terminent et les sites touristiques sont loin. Ma tisane est préparée avec les herbes du jardin. Une dame âgée, habillée de noir, cuisine sous les arbres, un chaudron où cuit la confiture de cornouilles fume sur un feu de bois. Les restes des fruits rouges pressés de leur jus colorent la rive.


Il n’y a pas de circulation. La route est nouvellement macadamisée. Il y a peu, c’était encore une piste. Sur les sommets, dans les landes, nous croisons des troupeaux de chevaux sauvages et des vaches en estive dont les cloches tintinnabulent doucement.

Avant de prendre notre repas de midi à Korçë, dans le biergarten de la brasserie où l’on produit la bière nationale, la Korça, nous visitons, à Voskopoje, quelques églises et monastère orthodoxes de toute beauté, aux lourds toits de lauzes. Ils sont en rénovation tout comme les hôtels du petit village montagnard sont en construction. On sent que le patrimoine et les marchands du temple sont en attente des touristes.


Nous rejoignons ensuite le lac d´Orhid à cheval sur la frontière avec la Macédoine que nous franchissons pour visiter à quelques encablures le monastère de Saint Naum.



Ce soir, notre chambre est au fond d’une rue étroite au bout de la péninsule de Lin. La maison est magnifiquement restaurée. Au souper, on nous sert du belvika qui comme le koran est un salmonidé endémique de ce lac majestueux de 349Km2 et de 300m de profondeur. C’est un des plus vieux au monde. Il est également repris au patrimoine de l'UNESCO.

Au réveil, de mon balcon avec vue sur l’eau, j’écoute un homme à l'accent allemand décrire le paysage à deux non-voyants francophones. Sa description est précise et charmante. Il dépeint les cormorans, les foulques, les cygnes et les différentes plantes du jardin.

Pendant ce temps, la patronne, la soixantaine, armée d’un petit balai de graminées danse entre les massifs de fleurs pour en chasser les toiles d’araignées. Chaque maison a un accès au lac via une ruelle privative au bout de laquelle est amarrée une barque. Il est plus facile d’accéder au village par le lac que par la route.




De nombreuses habitations sont transformées en maison d’hôtes. C’est ainsi que je conçois le tourisme ; de petites entités qui permettent de vivre et de restaurer le patrimoine familial. Les gamins qui jouent au foot dans la rue en faisant répéter des phrases en anglais à leur petite sœur se préparent à ce futur touristique.

Dans l’unique rue qui se termine en cul-de-sac, je croise des visages fermés, souvent âgés. La rue est bordée de vieilles bâtisses. Elles sont construites en pierre calcaire. Tous les cinquante centimètres, du bois intercalé dans la maçonnerie permet d’amortir les chocs en cas de tremblement de terre. On retrouve ce style de construction dans tout le pays.

Pour rejoindre le nord de l’Albanie, nous passons de nouveau par la Macédoine du Nord. Le long de la route, les caisses de gros poivrons rouges remplacent les sacs de pommes de terre et les tresses d’oignons. L’habitat est récent. Les panneaux routiers sont en cyrillique et en albanais.

Nous longeons la frontière jusque Debar. C’est une belle route le long du large Drin noir, enlaidie par les nombreux dépôts sauvages qui ravagent les berges.

Si dans les villes et les villages, les mosquées côtoient les églises orthodoxes, au cimetière de Debar, les morts sont séparés par un grillage et un large no man’s land.




Retour en Albanie.

À Peskopi, en sortant de l’établissement thermal où j’ai mijoté dix minutes dans une antique baignoire d’eau soufrée, j’aurais dû enrouler un drap sur la tête, porter des tongs et un sac plastic en main pour mieux me confondre avec tous les vieux baigneurs en peignoir qui venaient faire leurs ablutions .


Le « Kompleksi balnear LLixha Peskopi Enver Shehu » n’était pas facile à localiser, il n’était renseigné dans aucun guide touristique. Aussi, j´avais compris que nous étions arrivés à bon port en voyant les draps de bain sécher aux fenêtres des hôtels de curistes. J’avais déjà remarqué les mêmes pratiques dans la station désuète de Tregan, près

d´Elbasan. Ces cures thermales sont de vieilles habitudes de l’ère soviétique et les installations ne peuvent renier cette datation. Un plaisir de l’eau que je recherche dans toutes mes destinations de voyage.

En attendant, je sens le soufre. Une allumette pourrait m’enflammer.


Heureusement que Didier parle albanais ( non, c’est une blague! ) sans cela, nous n’aurions jamais trouvé ce resto au premier étage où les chats et les chiens errants qui tournent autour de notre table, à chaque repas, ne risquent pas de monter.

Avec comme d'habitude au menu, salade grecque, viande et frites dans un décor brillant de modernité aux fenêtres grandes ouvertes sur l’agitation du carrefour.



Peskopi


Hier, Google map était d’une précision redoutable pour nous amener à notre logement. Aujourd’hui il nous emmène sur des chemins impraticables, aux ornières monstrueuses vers notre guesthouse. La chambre à 32,00€ donne sur le lac. Il faut se pencher latéralement pour le découvrir presqu’à sec mais c’est quand même mieux que la chambre à 28,00€ qui n’a pas de fenêtre et que nous avions failli réserver !


Nous décidons de rejoindre le lac Koman, au nord-est du pays, en passant par le Kosovo. Une autoroute nous emmène à Prizren, sa mosquée Sinan Pacha, son pont turc, son hammam, son tekke (couvent soufi ) et ses cafés-terrasses le long de la rivière. C’est une jolie ville européanisée. Le pays est albanais à 90%. Des heurts viennent d’avoir lieu au nord, avec la Serbie qui ne reconnaît pas cet état et voudrait l’annexer. Pourtant, il fait bon s’arrêter dans un des nombreux petits restos qui longent notre route. On y paie en euros. Le long des axes routiers, de nouveaux ponts enjambent les cours d’eau, épaulés de temps en temps par de vieux ponts ottomans.

A Gjavice, je remarque que les orthodoxes sont enterrés dans les même cimetières que les musulmans.

Et partout flottent des drapeaux albanais. 


Retour en Albanie. À Fierze où les logements sont rares. Nous dégotons quand même une chambre avec vue sur le lac sur lequel nous voyagerons demain.  De nouveau, nous sommes les seuls clients. La saison touristique est déjà terminée pour cette partie du pays.

À la fin du jour, je regarde le propriétaire ramener sa vache et ses deux cochons trottinant sur la route, appâtés par la pitance vespérale.

Le réveil est matinal. La brume flotte encore dans la vallée quand nous rejoignons l’embarcadère du ferry. Pour permettre aux voitures d’accéder au bac, le personnel entasse pierres et cordages entre le pont métallique et le quai défoncé dont le bateau en reculant à encore arraché un morceau de béton.



Le lac artificiel de Koman a été créé entre 1979 et 1988 sur la rivière Drin. Il a une superficie de 34 km².  On y vogue pendant trois heures sur un ferry portant une quarantaine de voitures à travers le somptueux paysage des Alpes dinariques, entre des gorges de pierre calcaire ressemblant à un fjord. Nous sommes comme Fitzcarraldo, en bateau dans les montagnes. Si le soleil est toujours bien présent, les 26° des jours précédents nous ont abandonnés. Le vent qui court le long des parois exige une petite laine et l’écharpe est bienvenue. Sur le pont extérieur, la musique coule à flot et les Albanais se déchainent en dansant et tapant dans les mains. Une activité proscrite du temps d’Enver Hoxha.


Reflet sur le lac Koman


De plus petits bateaux-bus permettent le transit quotidien des biens et des personnes vers des villages éloignés sur les hauteurs du lac et inaccessibles par la route depuis sa création.



Heureusement, à l’arrivée, le bateau s’abouche au quai plus facilement qu’au départ. Et c’est sans attendre que nous quittons le minuscule port pour nous engouffrer dans un tunnel sous la montagne et descendre vers Shkodër.

Nous passons la fin d’après-midi à jouer au gin rami sur une terrasse du boulevard Zog Ier, roi des Albanais de 1928 à 1939. Son règne pris fin avec l’invasion italienne.

En ce vendredi soir, les gens déambulent sur l’esplanade. C’est le Xhiro, à, prononcer Giro comme en italien. Une habitude prise lors de l’occupation du pays pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les terrasses sont bondées. Peu d’alcool sur les tables, les gens boivent principalement du café accompagné d'un verre d'eau et même si le pays est à majorité musulman, les femmes ne sont pas voilées. Les religions s’y côtoient : les catholiques romains, les orthodoxes et les Bektashis, une forme de soufisme chiite propre à l’Albanie. Sous le régime d’Enver Hoxha, le pays était athé. Toute pratique religieuse étant interdite sous peine d’emprisonnement. Et il ne faisait pas bon d'être dissident !

Nous sommes depuis dix jours en Albanie et avant de la quitter pour le Monténégro, nous visitons le musée photographique local. Ouvert en 2016, cet établissement retrace la vie du studio Marubi ( un Italien républicain, partisan de Garibaldi, obligé de s’exiler pour échapper à la justice sous le règne des Bourbon-Parme) et de ses 100.000 photos prises entre 1858 et 1940. Un superbe travail ethnographique. Je remarque les militaires en jupettes blanches comme celles que les Dupont-Dupond portent dans Objectif lune .


Nous entrons au Monténégro

La côte est très urbanisée et ne donne pas envie de s’arrêter. Nous avançons jusqu’aux bouches de Kotor. Notre hôtel est face à la mer et aux montagnes calcaires.

Des navires de croisière monstrueux entrent dans la baie le matin pour décharger leurs clients devant la minuscule ville de Kotor; un entrelac de ruelles, de hautes maisons de pierre blanche aux tuiles rouges, du linge qui pend aux fenêtres et des remparts grimpant le long de la vertigineuse paroi rocheuse. Cet afflux de touristes nous fait rebrousser chemin vers le reste de la baie où se nichent d’antiques cités chargées d’histoire ayant vécu sous les dominations vénitienne, turque, espagnole, autrichienne ou italienne. Le soir, les paquebots glissent silencieux, éclairés à giorno le long de notre terrasse pour regagner la côte extérieure.

Nous sommes mi-octobre, la température est toujours douce et la mer est autour des 22, 23°.


La pluie arrive le lendemain. Sans soleil et sans ciel bleu, la carte postale est moins attrayante. Nous renonçons à monter au sommet de Kotor par la serpentine, une route aux 25 tournants en épingle à cheveux perdue dans le brouillard et reprenons le ferry à Kamenari pour traverser plus rapidement la baie et rejoindre le monastère d´Ostrog, un haut-lieu de pèlerinage pour les Monténégrins.



La route dans la montagne est un large ruban gris qui se déroule entre les sommets et les plateaux couvert de brume, bordée de stands de vente de patates qui ici, se nomment «  krompir ». La pluie tombe doucement en picotant le pare-brise. Il fait 8°, nous sommes à 1000m d'altitude. Notre voiture de baroudeur a subi un « lavajz » automatique. En Albanie, il était possible de faire laver notre véhicule à chaque croisée de chemins car il y est de bon ton de rouler en grosse cylindrée rutilante. Mais la route est de nouveau en chantier et elle va vite retrouver son costard boueux.


Nous nous arrêtons à Nikšić, deuxième ville du pays. Un marché authentique ou les tricots présentés ne seront certainement pas enfilés par les touristes.



Une route étroite nous amène au monastère d’Ostrog : une façade blanche coincée dans la falaise. Sur les derniers mètres, nous nous faisons dépasser par un pope, bâti comme un joueur de rugby.




De son pas cadencé, il nous précède dans le sanctuaire. C’est une grotte dans laquelle nous pénétrons par une porte très basse sans doute pour nous obliger à l’humilité. Les murs sont couverts de peintures noircies par la fumée des bougies. Un moine au regard bienveillant attend appuyé au cercueil de saint Basil entrouvert. Le sarcophage de bois sculpté est recouvert d’un tissu bleu roi tissé de fils d’or. Le religieux tient une  croix orthodoxe en main. Il la tend à deux jeunes femmes en jogging rose pour l’une, vert pour l’autre. Celle de gauche, lui fait une demande mezza-voce. Il l’invite à pencher la tête dans l’entrebâillement du cercueil avant de psalmodier une prière, la croix appuyée sur sa tête. La récitation terminée, la pèlerine lui baise la main avant de glisser quelques pièces dans un tronc stratégiquement placé aux pieds des reliques. À l’extérieur, deux mannes attendent les présents des fidèles.

Aujourd’hui, nous sommes à l’abri des touristes et des milliers de pèlerins qui semble t il arpentent ce lieu très important pour les Monténégrins.

Les cultes religieux se mélangent mais ici, nous sommes au coeur d’une région orthodoxe, repérable aux nombreux cimetières, aux stèles commémoratives jalonnant la route et aux panneaux écrits en cyrillique.


Nous rejoignons la minuscule capitale Podgorica par la route panoramique Nr 1, défoncée et tranquille. Ce soir, nous louons un appartement dans un immeuble où tous les noms de famille sur les sonnettes se terminent en « Vic » : Vujosevic, Glomazic, Popovic, Vlaisavljevic...




Le lendemain, nous partons pour Kolasin toujours sur la route panoramique Nr1 qui aujourd'hui est large et en bon état. Le soleil nous retrouve  le long des gorges de la Moraca. IL ne nous lâchera pas de la journée. Le parcours est parsemé de limitations de vitesse; 40, 80, 60, 40 que nous avons intérêt à respecter. Les flics sont aux aguets et débouchent de nulle part en voiture balisée pour poursuivre les contrevenants.

Nous découvrons une magnifique atmosphère dans le petit monastère de Moraca. Une ligne de bâtiments en demi-lune protège deux superbes églises aux murs couverts de peinture. Un jardin fleuri les sépare. Les peintures de la plus petite racontent l’histoire de Saint Nicolas, repérable à sa chasuble de damiers noirs et blancs comme une mosaïque,. Une garde-chiourme interdit toutes photos dans ce lieu saint. Ce qui ne l’empêche pas de vendre des confitures et autres produits sous les magnifiques fresques du porche de l’église.


Nous continuons le long de la Tara, classée au patrimoine de l'Unesco, avec la gorge la plus profonde d'Europe, un paysage rural de montagne aux meules de foin et d'énormes tas de bûches rassemblés en prévision de l’hiver pendant lequel la neige doit couvrir les toits pentus de tôles verdâtres, rougeâtres ou de bois pour les plus anciens.

Les forêts qui couvrent les flancs de la vallée de la Tara commencent à virer aux couleurs de l’automne. Près de Mojkovac, des tas de remblais et de déchets bordent les rives. Une autoroute est en cours de construction pour désenclaver le pays et relier le port de Bar sur l’Adriatique à la frontière serbe et à Belgrade.


Cette autoroute déchire la montagne, franchit gorges et canyons mais pour l'heure ne mène nulle part. Et le chantier pharaonique à un milliard de dollars menace de faire dérailler l'économie de ce minuscule pays des Balkans. Après six années de travaux, le petit village tranquille de Matesevo constitue le terminus improbable d'une route parmi les plus coûteuses au monde.

La portion d'autoroute reliant Matesevo et la banlieue de Podgorida, la capitale, doit être inaugurée en novembre 2023. Mais le pays de 600.000 habitants devra encore trouver plus d'un milliard d'euros pour réaliser les 130 kilomètres nécessaires à l'achèvement de l'ouvrage. Les adversaires du projet dénoncent aussi les dégâts sur l'environnement et la possible corruption.

Pour plus d'infos, lire www.capital.fr


La route est bloquée pendant  une heure. Les rochers dévalent de la montagne ou des engins s’activent. Un bulldozer attend de les pousser pour nous ouvrir la route. Une heure  à attendre. Nous réservons notre logement du soir en fonction de notre progression. Aujourd’hui, la route est un bon état mais elle est fermée donc....

Le temps d’attente aura duré 1h45. Pfff


Petit monastère de Dobrilovina perdu dans une petite vallée du canyon de la Tara.




À Zabljak, nous sommes sur un plateau de Landes. C’est un minuscule village encerclé par de petits chalets pointus nouvellement construits pour le tourisme.

La Lande est rousse, blonde, mordorée sous le soleil. Nous sommes dans le parc national du Durmitor. La route qui le traverse et descend vers la frontière bosniaque est magnifique, le paysage somptueux.



En Albanie, on voyait des vachers de tout âge promener leur vache tenue en laisse comme un toutou et des fermiers à cheval. Ici, je n’en vois aucun.




Logement près du lac de Piva dans l’un de ces petits chalets au toit de tôle vert. Tous les voisins sont en train de ranger leurs bûches en de gros tas circulaires disposés autour des immeubles dont les cheminées fument déjà. Les petites bûches de 30cm toutes rondes se prêtent facilement à ces constructions en forme de meules.


Nous quittons Pluzine en longeant le lac par la route creusée dans la montagne par les ingénieurs du barrage construit en aval à la frontière de la Bosnie-Herzégovine. Plus de cinquante tunnels pour vingt-cinq km de distance. Un pont de bois à une seule voie nous permet de passer la superbe Tara et d’entrer en République serbe de Bosnie.

La pire route de nos vacances nous attend. Un vieux goudron tout défoncé à droite et à gauche, des pierres, de la terre et des trous.

Ici coule la Drina formée par la confluence de la Tara et de la Piva.


Nous longeons Sarajevo. Nous y étions venus à moto en 2005, dix ans après le massacre de Sbrenica. Nous avions été émus par son histoire. Les champs de tombes sont toujours là pour la rappeler. Des troupeaux de pierres blanches dressées vers le ciel courent sur les flancs de la montagne le long de l’autoroute. On ne peut oublier!


Nous nous dirigeons vers Konjic et « le bunker de Tito » situé sur un terrain militaire. C’est un bunker nucléaire et un centre de commandement militaire de l'époque de la guerre froide. Construit pour protéger le président yougoslave Josip Broz Tito et jusqu'à 350 membres de son entourage en cas de conflit atomique. La structure est composée de zones résidentielles, de salles de conférence, de bureaux, de salles de planification stratégique et d’autres zones. Le bunker est resté secret jusqu’à la dissolution de la Yougoslavie dans les années 1994.







Nous arrivons de nuit à Split, une ville découverte il y a quarante ans. Nous avions été séduits par cette cité élevée dans et autour du palais de Dioclétien. C'était sa résidence secondaire. D'une superficie de trois hectares, elle fut construite en dix ans. Puis les Croates, peuple venu de l´Est, les Vénitiens, les Français, les Autrichiens, les Italiens se sont appropriés ses murs. Utilisant à leurs profits tous les matériaux de réemploi, construisant dans et contre les murs. Marco Polo, né dans la ville voisine, y habita, tout comme Sigmund Freud sous l’empire austro-hongrois. Tous les styles et les époques s’emboitent avec une belle harmonie que ce soit les sphinx rapportés d´Egypte, propriété personnelle de l’empereur, les palais vénitiens du XVe siècle ou les bâtiments art nouveau autrichien. La belle esplanade de marbre au bord de la mer que j’avais adoré il y a 40 ans à fait place à une large promenade de béton, trahissant un peu mes souvenirs.

Deux mille personnes habitent toujours dans l’espace du palais.


Puis c’est le retour vers Italie et Trieste que nous visitons avec deux greeters. Massimo a découvert cette formule lors de son dernier voyage à Chicago et vient de se lancer dans sa ville. Nous sommes ses deuxièmes hôtes.



Reflet de la capitainerie sur le port de Trieste


La ville  a une histoire mouvementée. La période austro-hongroise tout comme la richesse des armateurs l’a marquée dans ses bâtiments. C’est un port libre qui a attiré de nombreux aventuriers et beaucoup de torréfacteurs comme ILLY s’y sont installés.  Il y a une véritable culture du café. On le déguste sous d’infinies déclinaisons propres à la ville comme le capo in bicchiere, un café au lait servi dans un verre. C’est la ville d’Italie comptant le plus de cafés par habitant. James Joyce et Kafka ont vécu à Trieste, cette ville au bord de l´Italie, qui pendant des années s’est retrouvée à quelques kilomètres de la Yougoslavie communiste.



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