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  • Photo du rédacteurMarie-France Lesage

Naples

Dernière mise à jour : 5 oct. 2021


Jeudi 9 sept.

Nous arrivons à Naples en fin d'après-midi, stressés par la circulation chaotique

dont nous connaissons la mauvaise réputation. Nous affrontons les scooters

qui fonçent de tous côtés, klaxonnant, déboulant de la gauche ou de la droite

sans crier gare en brûlant la politesse et les feux rouges.

Nous arrivons cependant sans encombre au parking recommandé.

Celui-ci ne correspond en rien à nos critères habituels.

Nous laissons le véhicule et les clés sans savoir où celui-ci sera remisé

et partons vers notre location: un appartement au quatrième étage

d'un immeuble centenaire, avec un ascenseur d’époque, tout de bois vêtu.

Sa banquette me rappelle celle du Pera Palas à Istanbul

où nous avions fêté nos dix ans de mariage par une sortie mémorable

sous le pont Galata, dans un des nombreux troquets où les femmes

ne semblaient pas être la clientèle traditionnelle. Mon foie n’avait pas apprécié

cette soirée arrosée au raki et au terrible sek şarap, le vin local.

Le liftier m’avait avoué être au courant de mes déboires quand, après un jour de confinement dans ma salle de bain, je m’étais affalée sur la banquette de velours rouge de l’ascenseur.

Les rues sont étroites et pleines de graffitis, couvertes d'oeuvres d’art. C'est un musée à ciel ouvert avec toutes ces affiches détournées et les slogans révolutionnaires.




Dans l’effervescence de la ville, arborant à chaque coin de rue des potales

à la mémoire de Maradona, du père Pio, de la Vierge et des défunts locaux,

nous déambulons comme à Liège au quinze août. La ville est drôlement

plus authentique que les bourgs médiévaux de Toscane visités les jours précédents.



Nous prenons le souper dans la trattoria de Gigi, ouverte depuis une semaine et située au pied de notre logement. Ce dernier est tel que je l'imaginais: un antique appartement bourgeois bourré de livres, d'objets et de souvenirs familiaux, témoins de plusieurs générations..

Le chef est en verve et nous récite la carte, il nous donne la recette du baccalau

à la napolitaine préparé avec les savoureuses tomates cerises du Vésuve.

Nous ne parlons pas italien mais grâce à ses gestes et la parole, nous pourrions réussir sans problème ce plat divin.

Après un café aussi grand qu’un dé à coudre, Didier retourne vers le parking récupéré

un chargeur oublié. Comme notre voiture n'est plus dans le minuscule rez-de-chaussée où elle était garée, il monte à l’arrière du scooter du gardien pour aller la retrouver quelques rues plus loin.


Vendredi 10 sept.

Nous partons en train visiter Pompéi, une visite fatigante que j’appréhende

mais à laquelle Didier tient beaucoup. Même si c’est le site le plus visité au monde,

que les vestiges recèlent des merveilles, que la surface fouillée est immense,

je préfère la vie tumultueuse de Naples.



De retour dans la cité, après avoir vagabondé dans les ruelles de la vieille ville,

nous passons une soirée romantique dans une petite trattoria. Ça sent bon la pollution! Les motos et les voitures se faufilent, frôlant les tables, les avions rasent les toits

pendant que la file des clients qui attendent notre table est en train de s’allonger.

Samedi 11 sept.

Mamy est tombée la semaine dernière et doit rester immobilisée. Voici, la troisième fois que je mets une bougie pour sa guérison. Vu qu’elle est très pieuse, je me sens

dans l’obligation de lui allumer des cierges dans toutes les églises que nous visitons,

enfin presque, car elles sont plus fréquentes que les marchands de glace!

Je ne fais pas de jaloux: j’en mets à la Madone, à San Gennaro, le patron de la ville

dont le sang se liquéfie deux fois par an et au Père Pio. Les Napolitains sont

comme les Ardennais, ils préfèrent se confier à ses Saints qu’à Dieu lui-même.

A chaque fois, je fais le voeu qu’elle guérisse vite et comme elle le souhaite, rajeunisse. J’espère que ça va marcher car ça commence à me coûter cher.


Il est 14:00. Vu que nous nous arrêtons sans cesse, nous n’avons encore rien réalisé

de notre programme.

Dans le métro, à la station « Toledo », nous sommes éblouis par l'architecture.

Elle a été désignée " plus belle d’Europe" par le Daily Telegraph, ce qui ravit les Napolitains.



Nous montons et descendons les escalators avec l’unique plaisir de figer

sur notre appareil la cheminée de céramique bleue éclairée par des leds

et surplombée d'un oculus au centre duquel la lumière naturelle jaillit.

Sur la piazza Dante, en attendant le bus, nous regardons les véhicules défiler

devant nous. Les scooters bruyants cahotent sur les gros pavés disjoints

faisant tressauter les chairs, les ventres grassouillets comme les muscles

saillants et tatoués.



Dans les catacombes de San Gennaro, notre visite en français d’Afrique

- normalement c’était en anglais- est interminable. Nous redescendons par le lift

vers la place de la Sanita, mangeons une granita al limon puis longeons

des quartiers populaires aux vieux palaces décrépis.



Naples c'est un peu comme chez nous, l'année dernière, au temps du lock down,

quand les gens se parlaient d'une terrasse à l'autre. Les axes du centre historique

sont tellement étroits qu’il n’y a parfois aucune place pour un siège, alors les gens s’accoudent à leur balcon, à leur porte ou leur fenêtre pour regarder la vie courir

dans la rue.



Ils nous adressent souvent la parole mais nous sommes bien en peine d’entamer

une conversation en italien. Les ruelles sentent la lessive et l’essence.

Quand il pleut à Naples ce n'est pas toujours le ciel qui déverse ses humeurs

mais le linge qui dégoutte au dessus de nos têtes.





Toutes les nuits, un concert de pétards nous réveille. Ça pétarade pendant de longues minutes comme par une pluie d’orage. Pourtant, le Calcio ne joue pas tous les jours! Quand ce ne sont pas les explosifs, c’est la porte de l'ascenseur qui se referme

en claquant, résonnant dans la cour de l’immeuble ou les avions qui semblent atterrir

sur le toit du voisin.

Dimanche 12 sept.

Nous partons en train pour Mergellina pensant parcourir à pied le bord de mer.



Vu le peu d'ombre et la distance, nous préférons prendre le bus jusqu'au Castel Dell Ovo

et le quartier de San Lucia que j'avais découvert dans "Montedidio", le magnifique roman éponyme de l'auteur napolitain Erri De Luca. Malgré la proximité des hôtels

et de la côte, il reste très populaire.




J’y observe un livreur: Il appelle ses clients qui résident aux étages et fait monter

sa marchandise via un seau. Ça rit, ça crie et ça discute.

Il est à peine midi quand nous pénétrons dans la trattoria de Peppino.

Pour les Napolitains, Il est bien trop tôt pour manger mais la minuscule salle

est trop engageante et ce parfum de cuisine familiale trop enivrant.

Nous commandons antipasti, primi et segundi. Nous sommes

quand même dimanche! Didier termine même par un baba au rhum,

une spécialité napolitaine.

Je me demande si aujourd'hui encore nous réussirons à visiter le musée national.


Les églises baroques sont toutes plus colossales les unes que les autres.

Hier et aujourd’hui, dans toutes celles où nous sommes entrés, il y avait

de nombreuses célébrations, des mariages, des baptêmes ou de simples messes.

Lundi 13 sept.

Didier part photographier toutes les autres stations du métro. Je préfère me détendre dans un centre thermal. Un trajet de 40 minutes en train à travers la banlieue,

le long de la côte nord, en passant par Pozzuoli et en longeant d’étroites plages

m’amène aux thermes Stufe di Nerone situés dans les champs Phlégréens.

" C'est en fait une caldeira formée au cours de deux éruptions majeures, il y a 36 000, puis 14 000 ans. Cette zone se caractérise par la présence de très nombreux cônes et cratères volcaniques, ainsi que de phénomènes thermaux, tels que sources chaudes et fumerolles". (définition tirée de Wikipédia).

Après ma prise de température et la présentation du "Green pass" nécessaire

dans tous les lieux publics italiens, je me retrouve dans un bassin

à l’intérieur d’un cube de béton qui à l'origine devait être blanc. Des algues vertes tapissent le plafond. Une eau chaude sourd du mur du fond construit en pierres de lave. Elle est trouble, un peu verdâtre et laisse des trainées brunes sur la paroi.

Les salles de repos adjacentes, chaudes et humides, sont construites en briques sombres. Au fond de la pièce, je pénètre dans un sauna creusé en partie dans la roche. Mes plantes de pied hurlent sur les planches bouillantes. Vu le décor et la chaleur, j'ai l'impression d'entrer en enfer, Dante n'est pas très loin! Puis, je me retire dans la pièce centrale plus supportable.

L'extérieur de l'établissement est moins vieillot: plusieurs jacuzzi, deux piscines

et dans le fond du jardin un bassin naturel au pied du rocher.

Comme les autochtones, je me couvre de boue que je laisse sécher dix minutes au soleil

- moi qui l'évite d'habitude - jusqu'à ce qu'ouvrir la bouche me soit impossible

puis je vais me rincer longuement sous la douche. J’ai la nette impression

que mes genoux douloureux depuis les inondations ont apprécié cet intermède relaxant.



Mardi 14 sept.

Nous avons récupéré la voiture avec quelques grattes et une touche de couleur bleue sur le pare-choc.

En quittant la ville, les routes de banlieue étaient jonchées de détritus. L'amoncellement de poubelles dans les rues semblaient faire partie du décor alors que la propreté

dans les transports en commun ou dans les intérieurs de maison était irréprochable.



Naples est comme nous l’imaginions, vivante, entière, humaine et tellement séduisante!






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