BRUN
Le brun est la couleur de la terre, des écorces, des feuilles mortes, des champignons
et des racines.
Il se décline dans des dizaines de nuances: du chocolat au café au lait,
du noisette au brou de noix, du caramel à la cannelle ou du fauve au mordoré.
Il est symbole de naturel, de calme, de solidité, de rusticité et d’assurance.
C’est la couleur de l’iris du cheval ardennais, de la robe baie du cheval Bayard,
monture féérique des quatre fils Aymon et légendaire coursier de la forêt ardennaise.
En wallon : li tchvå Bayåd, vigoureux et robuste.
C’est la couleur du pauvre, du camouflage, du cerf et du sanglier, des oiseaux,
des traces et des empreintes.
Tout vire au brun un jour ou l’autre: les fleurs qui fanent, les fruits qui pourrissent.
C'est la couleur de la mort, de la boue et de la crasse, la couleur de nos excréments,
du fumier et du lisier.
C’est une couleur que l’on obtient en mélangeant les trois couleurs primaires.
Les couleurs chaudes avec les couleurs froides, la vie avec la mort.
NOIR
Le noir est la couleur du vide, de la tristesse et des funérailles.
Dans le stylisme, il incarne le chic intemporel. Il a comme qualité de rehausser
les autres tons. Pourtant, certains disent que ce n’est pas une couleur.
Il s’oppose à toutes les autres et principalement au blanc, la plus lumineuse.
Noir comme le poil des Holstein qui paissent dans les prés, comme les fruits
du sureau penchant vers la terre, comme le lisier et le basalte de la meule du moulin, originaire de l’Eifel voisine, comme la lignite qui a remplacé le charbon de bois
dans les hauts fourneaux ardennais, comme la fonte des pompes à eau,
des croix et des fontaines, comme le front du charbonnier qui travaillait
sur les aires de faud, comme le plastic des ballots empilés le long du hangar de la ferme, comme les plumes du corbeau et le coeur du dolmen de Wéris, comme la nuit
et le tarmac après la pluie, comme les nuages d’orage et l’ombre des arbres.
C’est la couleur d’Albert, le merle maudit de Dick Annegarn,
du coprin noir d’encre à maturation, de l’intérieur du trou dans le tronc du vieux charme
où niche la chouette.
Le noir c’est l’infini, l’inconnu ce que l’on ne peut saisir et qui nous apeure.
Dans son poème « Voyelles «, Rimbaud l’associe à la lettre « A «
« A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles. «
GRIS
Le gris n’est pas vraiment une couleur. Il résulte du mélange du noir et du blanc.
Il symbolise la douceur, le calme et apaise. Il est passe-partout et s’associe
avec toutes les couleurs. Il est sobre, chic et élégant dans la décoration
et l’habillement mais triste et fade dans la nature.
C’est un signe de grisaille et de poussière.
C’est la couleur de la souris et de l’âne, du schiste et du calcaire,
du poudingue de Roche-à-Frêne.
C’est la couleur des poissons, de l’eau et des cendres du grand feu à la fin de l’hiver.
C’est la couleur du tarmac et du béton qui gourmands, mordent la terre
et entament le paysage.
C’est la couleur des tôles ondulées des abris dans les prés.
C’est la couleur du lichen et de l’écorce du hêtre, la couleur du bois mort
et des tombes en schiste des cimetières de Haute Ardenne, des bornes
et des poubelles aux carrefours touristiques.
Gris, ce n’est ni blanc, ni noir, ni bon, ni mauvais.
Gris, c’est le compromis, le consensus.
BLANC
Le blanc est une couleur neutre.
Il reflète la lumière à la différence du noir qui l’absorbe et auquel, il s’oppose.
Il est signe de pureté et d’innocence, de paix et d’équilibre.
Il est multiple dans la nature mais rarement pur et se décline en de nombreuses nuances.
Comme les Inuits donnant des noms différents à la neige, nous pourrions lui attribuer
une dénomination pour chaque situation.
Le blanc est la couleur du temps atmosphérique, de la brume, du gel, du givre,
des nuages, de la neige et des flocons.
C’est la couleur de quelques tissus d’invocation accrochés à l’arbre à loques
des menhirs d’Oppagne.
C’est la couleur de la toison des moutons, des plumes des poules de Jojo
ou des poils du mufle des vaches dans le pré.
C’est la couleur nacrée du bois de frêne entaillé par les dents du castor,
de l’écume de la rivière, de la mousse flottant sur l’eau acide des Fagnes,
des vesses de loup et de l’agaric des prés
C’est le blanc des murs chaulés de Haute Ardenne, le blanc de la Pierre Haina,
enduite de chaux chaque année par les jeunes du village de Wéris.
Cette peinture symbolise la purification de cette pierre qui,
d’après la légende, cache l’entrée des enfers.
C’est l’émail rongé des baignoires servant d’abreuvoir dans les prés.
C’est le grège de la matière brute.
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