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  • Photo du rédacteurMarie-France Lesage

Iran 2017

Quand Didier m’a proposé de partir en voyage en Iran, j’ai trouvé cette idée plutôt farfelue d’autant plus qu’il voulait transiter par Dubaï, traverser la mer d’Oman pour entrer dans le pays via le port de Bandar Abbas. L’obtention du visa par cette voie semblant plus compliquée, nous avons préféré la voie classique et sommes arrivés par l’aéroport «Khomeiny» à Téhéran. Dès mon arrivée en Iran, j‘ai commencé à écrire mes impressions, jour après jour, assise à l'arrière de la voiture, scotchée sur l'écran de mon téléphone portable car ce que je vivais ne correspondait pas à l’image que je m’étais faite du pays.



Vendredi 24 février 2017. Téhéran Arrivée à 4 h du matin. Lever à 10 h après avoir dormi sur un futon, posé sur le tapis, comme le faisait le Shah d'Iran. Ensuite, vendredi ou plutôt dimanche en famille au nord de la ville, au pied des montagnes, dans les beaux quartiers, les plus frais et les mieux arrosés en été. Différentes visites agréables avec nos hôtes, sans eux nous serions en peu perdus, l'écriture et même les chiffres sont incompréhensibles. De plus la ville est immense - 10 millions d'habitants la nuit, 12 millions la journée et seulement quelques indications en anglais, une circulation sauvage mais très courtoise et jamais un coup de klaxon. Les habitants sont super gentils, nous sourient, nous saluent et certains nous demandent de poser avec eux car c'est le monde des selfies et les étrangers sont très rares.



Samedi 25 février. Téhéran. Bonjour la Belgique! La maison se réveille ou plutôt les 12 chats qui y habitent. Aujourd'hui visite du bazar, poumon économique d'une ville très polluée. Mégalopole de béton, saturée par le trafic de voitures récentes (aucun vieux tacot). La religion est très discrète; hier nous avons croisé quelques hijabs, aucune burqa mais des femmes très élégantes, très maquillées avec le foulard joliment posé sur le haut du crâne, un pan négligemment jeté sur l'épaule. Avec Parvine, la tante de notre hôte, nous avons visité la vieille ville et le bazar. Petite femme de 54 ans au foulard encadrant le visage jusqu'aux épaules qui me donne moins que mon âge (c'est vrai qu'ils sont charmants ces Iraniens), je lui réponds que c'est sans doute à cause de l'habillement. Femme au foyer, elle vient de commencer le tourisme à l'université et est ravie de discuter avec moi. Elle me serre dans ses bras. Par contre Didier fait une bévue en lui donnant la main. Nous grimpons tous les cinq dans sa superbe voiture et fonçons dans le trafic. Différentes visites, délicieux «dizi» (sorte de pot-au-feu servi avec du pain) dans un improbable restaurant de 1 mètre 50 de large avec de minuscules tables de chaque côté et les serveurs au milieu. Il est niché au coeur du grand bazar.


Le soir, nous sommes invités chez la tante où le mari cuisine. Un mur est couvert de photos, le mari m'en montre une de lui déguisé en mollah; "It's à joke" précise-t-il! Repas dans un salon de 15 m de long, toute la famille est dispersée dans les différents fauteuils, pas de table commune et pas de couteau, tous les mets sont coincés dans un bout de pain plat. Nous sommes de nouveau reçus comme des rois.


Dimanche 26 février. Téhéran. Je confirme, hier, je n'ai croisé que trois mollahs et partout une population très jeune où le noir intégral domine. J'ai cependant vu une jeune fille habillée de rose de la tête au pied, fait exceptionnel et étonnant dans ce noir ambiant et une Japonaise voilée et vêtue de blanc que j'ai trouvée assez exotique, plus par l'habillement que par le fait qu'il n'y a aucun touriste dans cette masse de gens. Vu le métro et ses parties réservées aux femmes, ce qui est peut-être plus sécurisant que d'être compressées comme des sardines dans des wagons surchargés. Ce matin, je n'ai même pas entendu le chant lointain du muezzin dans le calme du quartier; par contre, j'ai encore été réveillée par le froid (ouh, ouh, je veux les chaudes plumes de ma couette!). Aujourd'hui, nous changeons de guide, de langue (Reza parle français ) et de température, il devrait faire 20° à Kashan.


Nous sommes dimanche ou plutôt vendredi, mais non, c'est mardi puisqu'ils travaillent. Nous quittons Tehran et l'Elbrouz, dominé par le mythique Damavand, le mont Fuji des Iraniens, pour foncer dans la plaine désertique et monotone jusqu'à notre prochaine étape. Purée, je suis en rue sans mon foulard et personne ne me prévient, ni Didier, ni Farsane, ni les rares passants! Nous quittons Farsane, aux 12 chats, qui reçoit des étrangers chez elle sans porter de foulard au contraire de Parvine qui ne se découvre que devant des hommes de sa famille de sang (pas par mariage). Reza, notre guide, est Azéri. Il a vécu 20 ans en France où il a étudié et s'est marié avant de rentrer il y a 12 ans dans son pays. Il est plutôt "touche à tout" et guide touristique depuis un an. En sortant de la ville, avant de prendre l'autoroute pour Kashan, petite marche arrière sur l'immense rond point de la place de la liberté pour demander le chemin. La circulation est sauvage, les indications rares. Et dire que nous avons failli louer une voiture sans chauffeur. Hier encore, un particulier faisant le taxi (et ils prétendent ne pas connaître Uber!) nous a offert la course (ce n'est pas possible cette gentillesse, il doit quand même y avoir des affreux dans la bande). Avant Qom, à gauche un lac salé, à droite la steppe et au loin les sommets enneigés des monts Zagros qui traversent le pays du nord au sud sur 4.000km et comme ambiance musicale: Googoosh, une chanteuse iranienne émigrée aux USA, Léonard Cohen, Céline Dion, Bjork ou la chanson de Lara qui m'emmène galoper dans la steppe avec le docteur Jivago (bon, d'accord, à l'époque il n'y avait pas de poteaux électriques). 280 km avalés les doigts dans le nez.


Notre guide doit encore un peu s'échauffer, il nous emmène à 10 km, visiter le plus beau jardin d'Iran...qui est déjà fermé.Pas grave, on le verra demain.Alors, en route pour le bazar! Didier me propose un million de rials comme argent de poche, quel amour!


Au bazar, Reza remonte au top! Il nous emmène en catimini sur les toits du marché. La nuit tombe, le muezzin chante et nous surplombons la ville. Waw!!!! Ensuite, nous nous perdons dans les ruelles du bazar, tombons sur d'antiques caravansérails, hammans, cours intérieures... Ne cherchez plus. Décommandez Marrakech. Courez au bazar de Kashan. On s'y fait même inviter à manger, on y déguste des dattes onctueuses, on parle en anglais avec des adolescentes effrontées, on se fait ouvrir des portes sur d'immenses citernes d'eau.Notre guide, chauffeur et traducteur, nous facilite la vie. A propos, saviez-vous que le farsi est une langue indo-européenne mais qu'elle s'écrit de droite à gauche? (Honnêtement on y comprend que dalle). Les chiffres, au contraire, se lisent de gauche à droite.

Arrivée à Kashan, une femme en voiture me sourit, insiste, je m'approche, elle tire sur mon T-shirt. Purée, il est trop court et ne couvre pas mes fesses. Je vais devoir passer à l'intégrale. On avance dans la ville....et mon opinion se confirme. Purée, qu'est-ce qu'elles ont mes fesses! D'accord, elles n'ont pas l'honneur de pouvoir toucher leurs WC car ils sont tous à la turque ce qui n'arrange vraiment pas Didier. Reza déniche un chouette hôtel dans une ancienne maison de maître aux multiples patios. Didier rayonne...ah, oui! il vient de découvrir la salle de bain.


Lundi 27 février Kashan Salam, ce matin, je ne l'ai pas oublié...(ben tiens, mon foulard). Kashan, l'une des oasis les plus prospères de la route de la soie, foisonne de maisons historiques en pisé et en voie de restauration. Certaines, comme la maison Negin accueillent des touristes. Nous y avons logé pour 50 euros - repas du soir compris. L'eau, denrée précieuse dans ce climat désertique, dévale de la montagne via des canaux appelés "qanat" quand ils sont souterrains (mot à retenir pour le Scrabble) qui deviennent d'irrigation à l'approche de la ville où l'eau est stockée dans d''immenses citernes. On y descend par des escaliers vertigineux. Autre système ingénieux de climatisation: l'air en s'engouffrant dans de hautes cheminées carrées, les badgirs, descend vers des bassins d'eau et rafraîchit toute la maison.

J'écris pendant que Reza tourne en rond pour sortir de la ville. Cela amuse Didier. Après les avoir toutes essayées, il ne nous reste plus qu'une seule route à tester. Ouf! Didier rit à nouveau, c'est mauvais signe. Nuit froide et journée ensoleillée, je porte un dos nu, mais non, je plaisante, à Kashan, le Hijab noir se porte jusqu'au pied. Les fillettes le mettent dès 9 ans. A cet âge, elles sont fières de copier leur mère. Imaginez Alice, ma petite-fille de 10 ans, en Hijab! Visite du jardin de Fin. Didier attend que des japonais sortent du cadre de sa photo. Le jardin est au patrimoine de l'UNESCO, ça explique les touristes, toujours rares ailleurs. Maintenant, nous filons vers Abyaneh - typique village de montagne. La pierre terre de Sienne devient rouge comme le pisé des maisons étagées sur les flancs. Nous sommes de nouveau seuls dans un village "unique" connu pour ses femmes au foulard blanc et fleuri. Tout semble mort, quelques vieux se chauffent aux derniers rayons, de la neige traîne encore dans les rues. Nous pensions y loger mais préférons rejoindre Esfahan (Ispahan).

Seul bémol, les hommes ont mangé des oignons crus avec leur pot-au-feu (5 euros pp) ce midi et ça chlingue dans la carlingue.

La musique de Reza (qui ressemble un peu à Marc Aryan) est toujours aussi hétéroclite. Là, nous fonçons dans la nuit avec Adamo qui chante "Tombe la neige". Ambiance! Tout à l'heure, il récitait des vers d'Omar Kayyam avant de me les traduire - les Iraniens adorent la poésie. Quel plaisir d'écouter! Je vous abandonne sur une musique traditionnelle. Quoi? Reza pile sur le bas côté de l'autoroute pour nous montrer le ciel étoilé. Quand je vous disais que les Iraniens étaient poètes!!!



Mardi 28 février Ispahan Saaaaalam! On est crevés; c'est dur de sortir du lit (chambre à 35 euros dans un hôtel très kitsch). Je ne vous décrirai pas Ispahan, plus belles mosquées d'Iran, plus beau grand bazar (ouh, les superlatifs!). Didier est heureux comme un Shah; il mitraille tout autour de lui, pourvu que l'on ne le prenne pas pour un terroriste. Il est parti changer de l'argent (eh oui, petit hic, les cartes Visa ne sont pas encore acceptées). A Téhéran, c'est Farsane qui gérait son portefeuille! Ici, on jongle enfin avec les millions.

On se régale à petit prix, ce midi, nous avons mangé une soupe bien nourrissante pour moins d'un euro et une glace à la rose pour vingt centimes. Au souper : trois cailles et une triple portion de riz pour 5 euros pp. Repas dégusté en regardant le match de foot de la ligue des champions d'Asie : Persepolis - Dubaï. En ce moment, on mène 1-0. L'avantage avec notre imam (ça veut dire guide) Reza, on s'arrête partout, on pose des questions partout, on goûte à tout, on entre partout, on se perd partout, on négocie tout et on parle de tout. Ah, l'attrait de l'étranger, encore une jeune fille qui m'arrête et me demande de faire un selfie avec elle, pourtant je voyage incognito, avec mon carré Hermes et mes lunettes noires! Toutes les jeunes Iraniennes et même les mannequins se font refaire le nez. Mode quand tu nous tiens!


Mercredi 1er mars Ispahan Purée, encore oublié ce fichu fichu! On va me prendre pour une réactionnaire alors que je suis juste une grande distraite! Depuis le début du voyage, j'ai vu trois femmes sans foulard mais quoiqu'on en dise il est bien pratique pour cacher ma tête de folle (hier, j'étais trop fatiguée pour me laver les cheveux), pour me camoufler les yeux, le soir, quand Didier lit (la chambre possède une ampoule unique qui continue à flasher quand on l'éteint) et pour me protéger du soleil. Les journées sont ensoleillées +/- 20° mais la soirée, on supporte bien une petite laine. Reza met sa « bonnette » (capuche pour ceux qui ne parlent pas le belge) sur la tête et moi ...ben, j'ai mon foulard (encore un avantage! ). Nous repartons vers l'immense place de l'Imam Khomeyini que les locaux appellent de son ancien nom persan "Naghsh-e-Jahan" ce qui veut dire "l'image du monde". C'est un petit signe de résistance qu'apprécie Reza. Cette place de plus de 400 ans est immense : 500 m/160 m. On y trouve deux superbes mosquées, un palais et l'entrée du bazar.

On est sur la bonne route mais pas dans le bon sens, Didier ferme les yeux. Différentes visites dans la périphérie de la ville dont l'église arménienne de Vank. Pour le retour, je prends le plan en main et c'est une bonne idée! Nous traversons à nouveau un des très photogéniques ponts sur le Zayandeh rud "rivière qui donne la vie" déjà à sec. Le réchauffement de la planète sévit partout! Cette rivière descend des monts Zagros pour se jeter après 400 km dans un lac salé. Les jeunes préparent leur W.E. qui commencera demain, jeudi, en fin d'après-midi. Ils se réunissent sur ou sous les magnifiques ponts centenaires, fument le narguilé ou chantent. Écouter leur chant scandé sous les arches en pierre du pont est un moment chargé d'émotion. Ils boivent aussi du vin mais plutôt à la maison. C'est un secret de polichinelle, tout le monde fait son vin! Les filles saviez-vous qu'il existe des catalogues pour les tchadors? Il propose les modèles "Étudiant", "Emirati", "Dubaï" ou «Reporter». Seul bémol, ils sont tous noirs et je ne vois pas les différences. Ah, et nous ne pouvons pas faire du vélo ou de la moto ou alors avec monsieur.



Jeudi 2 mars Ispahan Aujourd’hui, nous quittons notre hôtel aux plafonds stuqués de fleurs et miroirs biseautés, aux cages de canaris et perruches suspendues dans le patio (comme partout) et notre chambre spartiate à la minuscule (1 m2) salle de bain où l'eau de la douche arrose systématiquement le WC. A l'arrivée, nous avions visité des hôtels plus chers mais à part la déco, le confort était le même. Réveillés avec la sono d'une procession d'hommes. Pas de panique, c'est juste en l'honneur de la mort de Fatima tombée en martyre. Hier, pour la même occasion, nous avions reçu du thé au grand bazar et trois repas gratuits. Je pensais n'avoir rien à raconter aujourd'hui car nous devons avaler 380 km jusque Persepolis mais à peine sortis de l'hôtel, ça se précipite. A midi nous sommes toujours à Ispahan! La ville est calme, c'est jour férié. Didier est aux anges, les processions se succèdent. Reza s'arrête et Didier part mitrailler. Un grand drapeau noir écrit de rouge virevolte, suivi d'un tonneau avec du feu, d 'un pantin noir au foulard vert, d'une fanfare (cuivres, tambours et tambourins), d'une sono sur un pick-up, de grands oriflammes de 4 m de large, composés de morceaux de tissus pliés pendants, surmontés de sculptures métalliques puis de plumes de couleur jaune ou verte, de mollahs (turban blanc) et d'imams (turban noir, ce sont des descendants du prophète) se frappant avec régularité, le cœur de la main droite, d'hommes, certains pieds nus, un fouet de chaîne métallique dans chaque main se flagellant les épaules en avançant de gauche à droite au rythme de la psalmodie (impression d'être à Séville), et pour clôturer, le cortège des femmes. Ce sont les mêmes processions que dans le sud de l'Italie ou de l'Espagne, seule la religion change. Malgré les drapeaux noirs qui nous font penser à des signes de pirates, l'ambiance est bon enfant; on propose même à Didier de porter un oriflamme et à chaque buvette, on nous offre du thé, agrémenté de sucre filé, aromatisé au sésame ou à la rose. On se fait photographier avec les autochtones. Un regard, un sourire, un "hello" auquel je réponds toujours par "Salam" ce qui les contente comme des gosses. Quelle gentillesse!

En route pour Shiraz. Et toujours l'autoroute à travers la steppe, avec à notre droite, les monts Zagros enneigés et quelques rares canons anti-aériens pointés vers le ciel. Le temps est frais, le ciel couvert. Comme chaque jour, nous coupons notre faim en grignotant des pistaches et des amandes. Rien à gauche, rien à droite, on traverse l'autoroute pour la pose pipi. Purée, je n' ai encore rien compris, j'ai été dans les toilettes du patron où trône le coffre-fort. Pour quelques photos, Didier arrête Reza dans un des rares villages qui bordent la route. Une mosquée et quelques maisons de briques, sans étage.

Tout est ocre. A nouveaux, des repas gratuits sont distribués. Femmes et hommes sont séparés pour manger dans la salle du village qui sert également de mosquée. Avec l'assiette reçue dès ma sortie de voiture, je me dirige vers le coin des femmes qui me regardent avec timidité. Un habitant me propose d'aller manger avec mon mari. Je le suis. Tous les hommes ont déjà fini. La salle est vide mais elle se remplit, petit à petit, avec les curieux. Une fille de douze ans s'adresse à moi en anglais et de son hijab sort son ipad pour nous prendre en photo. Quel accueil! Riz, bœuf, lentilles aux tomates, doogh (la boisson qui accompagne tous les repas, faite de yaourt, eau, sel et menthe) et chaï. Merci Fatima! Nous reprenons la route rectiligne vers le sud, dans le froid et sous la pluie. Il est 14 h 30, nous avons fait 80km. A ce train là, nous n'arriverons jamais. Le long de la route, quelques garages, isolés à la queue leu leu. Nouvel arrêt, Reza veut faire vérifier la pression de ses pneus, Didier en profite pour parler avec le proprio et se faire offrir un chaï. Heureusement que les chiens sont très rares en Iran! Nous grimpons péniblement vers la montagne et quelques lambeaux de neige. Le paysage est désertique:et superbe - terre et caillasse.

Pas d'internet dans le bled où Reza nous a dégoté une maison pour passer la nuit - 17 euros pour nous trois. Et la journée n'est pas terminée car le propriétaire nous invite à fêter l'anniversaire des seize ans de sa petite-fille. AMBIANCE. Avant d'entrer dans la maison, on entend déjà les filles pousser des "youyous" comme les femmes berbères. Les jeunes filles et les femmes sont maquillées, beaucoup non voilées, habillées de vêtements colorés et seyants et pour les jeunes, aucune tunique camouflant les fesses. Quel différence avec les femmes réservées et en hijab noir de ce midi! Elles dansent en groupe dans des contorsions élégantes, deux jeunes hommes les accompagnent, les mains jointes au-dessus de la tête en claquant des doigts. Les grands-mères regardent la scène de leur fauteuil. Les hommes assis sur le tapis boivent du vin. Les téléphones portables crépitent, avec nous, avec la jubilaire. ...les cadeaux sont enfin ouverts un à un, de nouveau séance photos avec chaque donateur : petites robes courtes et colorées, bijoux, fleurs, pot en cristal, parfum et moi, chocolat "Côte d'or"!. Tout le monde est connecté mais personne ne parle anglais. Gâteau, bougies, chants puis retour à la maison pour une partie de Back Gammon. A la TV, passe "Notre dame de Paris" en farsi avec la sculpturale Gina! Aujourd'hui, pour une journée de transit où nous pensions uniquement rouler, Reza a gagné le maximum de points. Quel pays! Qui aurait cru! Nous dormons de nouveau sur des futons. Celui de Reza est posé sur le sol dans le salon, le nôtre sur une planche sur un châlit. Durant les cinquante derniers kilomètres, nous avons enfin vu des champs cultivés. Nous logeons dans un village d'agriculteurs où la majorité des familles porte le patronyme d'"agriculteur".


Vendredi 3 mars Persepolis Visite de Persepolis. Site le plus visité d'Iran, au patrimoine de l'UNESCO, 2.500 ans d'histoire, la croyance en un dieu unique "Ahuramazda"( le "Zoroastrisme"), pillée par Alexandre le Grand qui eut besoin de 300 mulets et chameaux pour emmener le trésor de Darius qui avait fait construire ce palais. Au nouvel an, à l'équinoxe du printemps, il y recevait les offrandes de son peuple - le nouvel an iranien est toujours fêté le 21 mars. C'est un endroit grandiose. J'y ai encore fait ma star, selfies à gogo! C'est certainement la dernière fois que l'on me dit " Beautiful" Vous avais-je dit qu'une enseignante accompagnée de ses deux élèves m'avait demandé si je voulais bien parler dix minutes avec elles. J'ai donc conversé en anglais, de tout et de rien avec deux adolescentes timides et impressionnées. Nous sommes "dimanche", beaucoup de familles ont visité Persepolis et s'installent dans la caillasse, sur un tapis, en plein soleil pour pique-niquer. Ce midi, au resto, j'avais trop chaud, j'ai donc laissé tomber mon foulard, de toute façon, il passait de la musique interdite, celle du temps du Shah, temps où les femmes pouvaient encore chanter seules. Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières. Arrivée à Shiraz, à l'hôtel "Karim Khan", 45 euros, chambre PARFAITE pour nos critères d'occidentaux. Fin de soirée sur la terrasse d'un tea house avec fumeur de narguilé et Reza qui chante et joue "Céline" à la guitare.


Samedi 4 mars Shiraz Ce matin, Mr et Mme Ali Pacha traînent au lit. Après tout, nous sommes en vacances. Mais nous nous faisons vite rappeler à l'ordre par Reza...."Allo....Levez-vous, nous devons aller visiter". Dans un coin de la chambre, une flèche noire indique La Mecque, dans un tiroir, le Coran et un tapis de prière. Je suis bien en Iran, pas moyen de répondre à la demande d'un de mes clients "Air B&B", le site est indisponible en Crimée, Iran, Soudan, Syrie et Corée du Nord! Voilà qui est bon pour ma concurrence! Hier soir, pas envie de nous goinfrer, aussi en rentrant vers l'hôtel, nous partageons un "sangak", anciennement pain plat cuit sur la pierre, à présent, sortant aplati d'un tapis roulant (et non volant) pour tomber sur une grille devant l'échoppe du boulanger où les clients le plient en quatre (il fait 60/40cm) avant de l'emporter encore chaud. Petit déjeuner pantagruélique. Ça change de la tasse de thé et de la galette sèche d'hier matin. Vamos. En route pour visiter Shiraz, la ville du vin, des roses et des poètes. Les poèmes de Hafez sont pour les iraniens aussi chargés d'interprétation que le Coran. A la sortie de l'hôtel, des hommes décrochent les drapeaux noirs (de pirates, pour ceux qui ne suivent pas.) Les femmes portent encore et toujours le foulard avec élégance, c'est peut être cet accessoire qui met leur beau visage de persane en valeur et "you are beautiful" est peut-être simplement une formule de politesse. Vu un mollah entrer chez un glacier pendant que son militaire de chauffeur l'attend dans la voiture. Il sort avec une faludeh (Shiraz est réputée pour ses glaces et celle-ci est composée de vermicelles de farine de riz), ignorant un mendiant qui l'accoste. Une glace coûte soixante centimes.

Visite d'une mosquée; j'entre du côté des femmes, on fouille gentiment mon sac (j'apprendrai plus tard qu'un terroriste s'est fait exploser devant l'entrée il y a quelques années), on me couvre d'un hijab fleuri qui me tombe jusqu'aux genoux puis je rejoins les hommes dans la cour où on se farcit, pas en farsi, une longue explication sur les mausolées que nous ne pouvons pas visiter. Didier est déçu. Il part s'égarer dans les toilettes des femmes. Vive les pictogrammes. Il achète un chapeau en feutre pour Félix. Grâce à Reza, nous le payons sept euros - sans lui, nous en aurions deboursé quarante Il est précieux ce guide! Il négocie tout. "Notre portefeuille est son portefeuille". Shiraz n'est pas Ispahan. Tout est pareil. Tout est différent. Plus calme, moins pollué Beaucoup de monde dans le bazar, dont des femmes tziganes. Les clients achètent différents objets qui devront, disposés dans des coupelles, garnir la table du nouvel an: coq, œuf, poissons rouges, verdure, pommes, Coran, un petit bonhomme noir etc, ils ont tous leur signification pour une fructueuse année. Papote avec un Singapourien, déjà rencontré lors de la visite de la mosquée. Il dépose son argent à la banque et voyage avec une carte bancaire iranienne (pas con comme idée, cela évite de se balader avec du cash puisque les cartes étrangères ne sont pas acceptées).


Dimanche 5 mars Shiraz N'oubliez pas de me rappeler que je dois offrir un GPS à Reza. Ce mec est incroyablement doué pour tourner en rond et partir à contresens. Ça arrange Didier qui adore se perdre et découvrir de nouveaux coins à photographier. Même quand le premier prend un rond point à l'envers, le deuxième ne rouspète plus. Ça me fait peur. Il commence à s'habituer un peu trop au pays. Visite de Shiraz et de jardins dont l'un est au patrimoine de l'UNESCO. Bof, bof, j'ai vu plus beau mais c'est peut-être le seul témoignage restant des célèbres jardins persans et nous ne sommes encore qu'au printemps. Des parterres de pensées, quelques beaux palmiers et orangers, des bassins, et des couples d'amoureux assis et discutant sur un carré d'herbe malingre. La vie est la même partout!


Lundi 6 mars Shiraz Hier soir, les deux hommes que j'avais abandonnés pour aller dormir, ont terminé la soirée devant une tisane! Triple Westmael, connais pas. Après étude sur Google map du chemin à suivre pour sortir de la ville, j'ai réussi mon brevet de copilote, les doigts dans le nez. A présent, direction nord - pas mal de radar mais toujours une circulation sans règles de conduite - puis nord-est, la direction de l'Afghanistan. Pas d'angoisse, nous nous arrêterons "bien avant". De Shiraz, nous étions à deux cents km à vol d'oiseau du Koweït. Nous démarrons en musique, Reza - qui est aussi musicien - nous fait écouter son disque. Sorti de la ville, il achète dix kg de mandarines et oranges à un marchand ambulant, le long de la route. Ça nous changera des pistaches. Un paysage désertique avec des rivières asséchées et des canaux d'irrigation. Arrêt essence.

Beaucoup de minuscules garages vendent de petites bonbonnes de gaz qui permettent aux conducteurs de faire le plein de leur réservoir de voiture! Croisé un chasse-neige - vous croyez sans doute que l'on se dore la pilule au soleil ! Arrêt à Abarkooh.

En entrant dans le village sur le terre plein central, une cinquantaine de portraits de "martyrs" locaux, suspendus tous les cent mètres. Ça en impose. C'est une petite ville avec le plus vieux cèdre d'Asie (4.500 ans), une énorme glacière, de superbes maisons en pisé dont une avec un magnifique "badgir" (cheminée à vent). En cours de rénovation, elle sera bientôt transformée en hôtel. Mieux que celui que Reza nous a dégoté pour une fortune et qui pour une maison traditionnelle a tout du toc. A la place on trouve un appart. vraiment authentique avec drapeau et grand poster des deux leaders religieux à l'entrée et coup de spray avant de nous laisser pénétrer dans la chambre (22 euros pour nous trois).

Mardi 7 mars Abarkooh Réveillée de nouveau par le froid, je cours m'habiller dans le salon glacial qui hier soir était bien chauffé. C'est une grande pièce carrée avec (comme partout) au sol, un grand espace dégagé couvert de tapis, une table, des chaises qui (comme partout) possèdent encore leur plastique de protection sur l'assise; sur les côtés de la pièce, de massifs fauteuils kitchs de velours mauve, au mur du marbre à mi-hauteur, surmonté de lourd papier peint chamarré; dans un coin, un philodendron en plastique, une minuscule armoire et juste un écran de télé pour garnir les murs. Au programme, de la politique, des cours de cuisine, du foot: Real Madrid- Santander, des extraits du Coran ou des "interludes", les plus anciens se souviendront de ce programme de la RTB (c'est fini les films avec Gina!). Nous sommes dans un hôtel du Ministère du travail où les employés et quelques externes comme nous peuvent loger. L'intérieur n'est ...pas très propre, pas très fignolé. Vous saisissez le décor? Pas de regret, il n'y avait rien d'autre pour loger si ce n'est l'autre attrape- nigaud. Vite une tasse de thé pour me réchauffer!

Ce matin, nous démarrons plus tôt. Toute scène de vie vaut une photo, nous en faisons le plein mentalement. Les nombreuses plantations qui jalonnent la ville sont mises sous eau quelques dizaines de minutes via de gros jets d'eau et des canaux d'irrigation. Ca doit être le même principe pour les cultures agricoles. L'air embaume le quarantain. On fait le plein d'eau et de biscuits (des oranges, on en a encore assez). Ce soir, on loge dans le vrai désert. Vamos! Nous reprenons la route avec l'agréable chaleur du soleil. L'avantage de notre guide, c'est qu'il s'adapte à toutes nos propositions comme écourter notre séjour à Ispahan et Shiraz ou loger ce soir dans un caravansérail. Tout est expérience, pour lui, comme pour nous. D'accord, il ne connaît pas le nombre et la symbolique des colonnes de telle mosquée mais il nous donne l'impression d'être seuls au milieu des Iraniens, ce n'est pas comme ce groupe d'Allemands qui buvaient tristement un thé-thermos à côté de leur car climatisé. Juste une route plate et rectiligne, un ciel bleu très clair surplombant une surface monotone et grise, couverte de morceaux de plastiques épars.

Un petit village et toujours des plaques routières brunes (comme en France) qui signalent des sites culturels à visiter. Un car de Japonais nous précède dans cette forteresse (ancien village fortifié de Deh Shir) abandonnée et à moitié détruite. Purée, le représentant du maire qui les accompagnait, nous a enfermés avec un vieux monsieur du bourg qui fait désespérément signe pour signaler sa présence. Imaginez une vieille main desséchée s'agitant par l'entrebâillement des deux vantaux colossaux pour alerter une moto. Peu de chance que l'on nous voit ou nous entende. Le salut viendra de Reza qui, grimpant sur le toit, alerte un passant. Sauvés. Tout le monde rigole!


Il est 11h; malgré le soleil, le fond de l'air est frais. Je supporte bien mon petit foulard.

De nouveau un village fortifié abandonné ceint de grenadiers et d'amandiers en fleurs, Faqhrabat. Nous déambulons dans les ruines de maisons abandonnées après la révolution pour construire en face des blocs de bâtiments modernes, reliés au gaz.

A l'arrière, deux hommes enfoncés dans un étroit boyau nettoient un qanat, quelques mètres plus loin un immense bassin d'eau et des rigoles qui glougloutent. Quelle surprise! Quel miracle dans ce paysage désertique.

Et toujours un habitant nous expliquant sa vie, avec Reza qui traduit. Ça, les Japonais et les Allemands ne le verront pas! Arrêt essence, pipi et lavage de mains avant l'éternel kebab (brochette)-lavash (pain). Le choix du menu diminue comme les stations essence. Et toujours, un samovar qui fume en chuintant. J'adore! Je devais être Russe ou Iranienne dans une autre vie.


Le garçon du resto court après nous pour un selfie. Ça nous manquait. Peu à peu, les montagnes reviennent nous escorter comme dans une drève pour titans. Nous sommes à 400 km des frontières de l'Afghanistan et du Pakistan. A 500m de la route où circule une noria de camions, apparaît notre caravansérail. Shah Abbas à la fin du 16ème siècle en fit bâtir 999 à raison d'un tous les 30 km. C'était la distance que les caravanes parcouraient par journée. La route de la soie traverse l'Iran Zeinoddin caravansérail est devenu un hôtel. Arrivant tôt, nous profitons d'une des six chambres, les autres n'avaient qu'à se dépêcher, ils dormiront en dortoir comme au bon vieux temps.

Petit moment détente sur la terrasse, face au soleil couchant, avec dans le dos, le bruit incessant des caravanes de camions Ce soir, dîner sur place avec une dizaine d'anglophones dont un Norvégien qui tricote des chaussettes et une quinzaine de Français. Nous sommes heureux de pouvoir dormir dans ce lieu chargé d'histoire, en plus, il y fait bien chaud. Suis montée sur le toit admirer les étoiles et le flot ininterrompu de phares de camions. 40 euros pp la nuit en demi-pension (il n'y a rien d'autre à 40 km à la ronde), avec sanitaires en commun comme en colo et douche chaude sous une voûte ancestrale. Ce sera certainement le plus cher de nos logements. J'espère que les dromadaires ne vont pas trop blatérer cette nuit.

Mercredi 8 mars Zeinoddin - Yazd Pas d'internet au milieu du désert! Nous quittons le caravansérail. Reza veut prendre l'autoroute à contre sens. Didier hurle, alors notre chauffeur traverse les cent mètres de terre plein pour partir dans la bonne direction. Purée, qu'il est distrait! Venant de Kerman, d'Afghanistan et du Pakistan, la longue file de camions ralentit devant nous. C'est un contrôle auquel nous n'échapperons pas. Une demie heure avec un policier pointilleux! Très aimablement, il précise que c'est la routine. Pendant ce temps, les camions nous asphyxient. Avant d'arriver à Yazd, nous aurions dû nous arrêter à Fahradj et Saryazd, nous les avons ratées. Dommage, c'était de nouveau des villages fortifiés construits en pisé. Yazd, oasis au milieu du désert, 500.000 habitants. Nous sommes logés au centre de la vieille ville, l'hôtel est situé dans une maison traditionnelle labyrinthique avec plusieurs patios, escaliers, terrasses. Toutes les maisons sont construites en argile. Les tons chauds de la terre et du ciel bleu donnent un charme fou aux petites ruelles bien balayées derrière lesquelles se cachent des maisons remarquables avec cour, cave voûtée, citerne et magnifiques badgirs pour les rafraîchir... A la nuit tombée, après avoir visité quelques mosquées à l'entrée desquelles Didier trouve toujours un WC salvateur, nous rentrons à travers le calme des ruelles, uniquement cassé par les motos qui pétaradent. Beaucoup de volets clos. Une odeur de boulangerie, mmh! Les pains sont cuits dans de grands fours ovoïdes, percés d'un trou latéral par où la pâte de la grandeur d'une pizza est jetée partout sur la paroi (même en hauteur). Les clients repartent après quelques minutes avec leur pain tout chaud.

Encore quelques artisans essaîmés dans la pénombre des ruelles : un menuisier, un chaudronnier, un marchand de verre, un fabricant de sucre safrané (le thé est souvent accompagné d'une longue sucette de sucre au safran) travaillant dans de vieux ateliers séculaires. Nous retrouvons le bazar moins beau que celui de Shiraz, plus calme aussi. Des dizaines de bijoutiers, des milliers de bracelets en or et scotchées aux vitrines des femmes en hijab noir. Elles sont très nombreuses à se couvrir de noir jusqu'au pied.

Jeudi 9 mars Yazd Croisé une femme de chambre. Comme beaucoup de femmes, habillée de noir : pantalon, veste longue, cagoule et..... petit tablier blanc à dentelles. Descendus dans les caves de l'hôtel par de hautes marches (comme dans tous les bâtiments) de 30 cm de hauteur que l'on descend comme des vieux, marche après marche. Au sous-sol, des qanats dans d'étroits boyaux qui relient de petites pièces avec des niches dans lesquelles sont disposés des tapis et de pesants coussins. Au centre un bassin d'eau, surmonté d'une haute cheminée, terminée par un badgir. Il y fait très froid mais cette fraîcheur doit être rafraîchissante en été. Plus le proprio est riche, plus le badgir est haut! Nous partons visiter Yazd. Sous prétexte de prospecter des hôtels, nous entrons à l'intérieur d'anciennes maisons rénovées. Certains proprios, nous font la visite guidée avec explication et thé offert. La cuisine est au fond de la maison afin qu'aucun étranger n'y pénètre par erreur. Les portes d'entrée possèdent deux heurtoirs l'un pour les femmes, l'autre pour les hommes, ainsi le maître de maison peut connaitre le sexe de son visiteur avant d'ouvrir -sauf si c'est un petit plaisantin! C'est une obligation de rénover à l'ancienne. L'argile, utilisée partout, isole et protège les briques de la désagrégation. Ici, à Yazd, que ce soit dans les snacks ou les hôtels, on peut manger de façon traditionnelle sur des estrades couvertes de tapis et de coussins. Imaginez la serveuse tirant ses chaussures pour étendre la nappe! Seuls dangers, se prendre les pieds dans les nombreux souliers qui jonchent le sol ou que Didier s'endorme à table. Rencontré un Allemand de notre âge, ayant connu l'Allemagne de l 'Est; son résumé de l'Iran: "nous avions Moscou, ils ont les mollahs".


Visite - d'un moulin à eau de 1.500 ans d'âge, 22 m sous terre. Une force incroyable sortie d'un qanat de 85 km qui amène l'eau de la montagne. - du temple du feu des Zaroastriens. Cette religion, monothéiste, née 18 siècles avant le Christ, prône "le bien faire, le bien penser, le bien dire". Une communauté de 10.000 personnes vit à Yazd. Pour terminer la journée, nous entrons dans une maison de force, située dans une ancienne citerne. Surplombant une arène d'une dizaine de mètres, un grand musclé et un gamin à lunettes tapent sur de grands tambours et un gong. Un groupe d'hommes en culotte ornée d'un motif de cachemire agrandi (la forme d'un palmier stylisé ) et d'un T-shirt moderne, sautille au rythme de la musique et du chant du musicien. Cela ressemble à l'échauffement d'un cours de zumba et ça sent la transpiration. Puis un des hommes se place au centre et commence à tourner comme un Derviche avant de laisser les autres continuer leur musculation avec d'énormes massues. Ah oui, j'oubliais, Yazd est la ville du tissu en cachemire. Il sort de toutes les boutiques.


Vendredi 10 mars Yazd Ce matin, Didier se réveille emberlificoté dans un linceul. Le problème des draps de lit dans tous nos logements, c'est qu'ils sont trop petits et ne restent jamais coincés sous le matelas. Dans le patio du petit déjeuner, un simple regard et je me sens nue. "D'ji la co rouvié" , "je l'ai encore oublié" pour ceux qui ne parlent pas wallon. Il me manque un morceau de pain. Pour sortir de table, je vais encore devoir passer sur le corps de Didier, sans mettre mon pied dans son œuf. Heureusement que j'avais acheté un nouveau lot de chaussettes chez HM! Reza est en train de préparer l'itinéraire pour demain. Ne pas oublier de lui offrir une carte routière! Demain, nous partons passer deux nuits dans le désert. Si vous ne recevez plus de messages, c'est qu'il n'y aura plus d'internet ou qu'il nous aura perdus. Chez nous, les dimanches de printemps, dès que le soleil pointe son nez, les jeunes filles se sentent légères et descendent en mini-jupe et ballerines boire un verre sur la Batte à Liège. Ici.....c'est un peu plus tristounet.....pourtant c'est vendredi, le soleil est bien là et le ciel est d'un bleu d'azur.


Nous devons sortir de la ville pour notre première visite. La carte est en persan, je ne peux pas aider Reza. Il la pose sur son volant et nous fonçons. Purée, son portable sonne. Va valoir gérer! ....et quoique vous pensiez, nous y arrivons les doigts dans le nez.

Sur un fond de montagnes enneigées, s'élèvent deux tours du silence. Sur les pierres du sommet, les zoroastriens exposaient leurs morts à la merci des charognards. Les quatre éléments sacrés que sont l'eau, le feu, la terre et l'air ne pouvaient être souillés. Pourquoi la terre et pas les pierres? Car la première servait à la construction des maisons. Après une impressionnante volée d'escalier, nous atteignons le sommet où Reza nous traduit les explications qui pour une fois sont uniquement en farsi. Il est précieux ce guide! En bas, isolée dans la caillasse, une des nombreuses citernes de Yazd : un dôme de 4 m de haut, entouré de deux badgirs qui le dépassent légèrement. ils servent à rafraîchir l'eau du sous-sol. La citerne est précédée d'un iwan, ces portiques typiques de l'Iran, dans lequel s'enfonce un escalier vertigineux. Reza réussit à se faire ouvrir les portes du cimetière des zoroastriens. "Avec lui, on entre partout". C'est un immense espace clos. Depuis 1965, les zoroastriens y enterrent leurs défunts dans des tombes de béton pour ne pas souiller la terre. Un millier de tombes de marbre blanc s'alignent comme dans un de nos cimetières militaires. Quelques rares oranges, cailloux ou cônes d'encens y sont déposés. A chaque tête, un thuya ou un cyprès est planté. Certains peinent à survivre. Ici, les arbres sont rares et toujours plantés dans des canaux d'irrigation.


Je prends en photo un vieux monsieur buriné, c'est l'ancien responsable des corps exposés au sommet de la tour du silence. Le retour en ville est aussi épique. Didier refuse même mes pistaches tellement il est stressé!

Nous pénétrons le "Dowlat Abad garden", un jardin persan, de nouveau au patrimoine de l'UNESCO. Un bassin de 200 m de long, des vignes, de hauts pins, des orangers, de la musique traditionnelle. Le badgir le plus haut du monde sous lequel souffle un vent glacial. Je vous jure que c'est vraiment efficace. Je fais attention en m'asseyant sur un banc d'où dépassent de nombreux clous, il ne faudrait pas que je fasse une filante dans mon tchador. En arrivant à Ispahan ou Shiraz, villes mythiques dans mon subconscient, j'ai été déçue par leur gigantisme, le trafic et la pollution. A Yazd dont je n'avais jamais entendu parler, c'est tout le contraire, je suis tombée directement sous le charme. Petite balade digestive dans les ruelles désertes, accompagnés du sifflement des compteurs de gaz. Nous sommes vendredi, tout est fermé sauf un petit café avec terrasse pour déguster au soleil, sous un léger zéphyr, un thé safrané. C'est marrant comme ils comptent leurs billets différemment de nous. Si on rejouait "unglorious bastards" en Iran, on se ferait coincer rien qu'en comptant notre liasse de rials.


Samedi 11 mars Merz Levés tôt ce matin. Didier cherche un bureau de change. Toujours des portraits des deux Ayatollahs aux réceptions des hôtels et dans toutes les échoppes. Il me semble que Sean Connery ressemble de plus en plus à Khomeyni! (ou l'inverse) A la sortie de la ville, Didier revient enfin avec 23 millions. Nous pourrons à nouveau manger des glaces à la carotte! Et toujours de nombreux motards sans casque, sans gants louvoyant dans le trafic et des voitures à quatre ou cinq de front sur des bandes pour trois. Je serre les fesses. Nous partons vers le désert salé du "Dacht-e Kavir". Deuxième réserve de biosphère du monde au point de vue de la superficie après la réserve du Serengeti en Tanzanie et également au patrimoine de l'UNESCO.


Karanagh. De nouveau un village "moderne" construit sous le dernier Shah et un ancien fortifié et déserté dans lequel nous déambulons comme dans un immense labyrinthe. Les voûtes effondrées, les cuisines abandonnées, les portes ouvertes sur le silence. Seul l'appel du muezzin et le chant des oiseaux donnent un soupçon de vie. Entre les deux villages, un canal d'irrigation, un vieil homme s'asperge les mains pendant que son âne blanc s'abreuve. Il me parle avec conviction, je lui réponds par des sourires, la seule langue que je connaisse.


A Karanagh,on peut loger dans le caravansérail rénové - 25 euros la chambre de 2 ou 3 personnes. Vu des panneaux "attention dromadaire". J'ai beau scruter la platitude qui nous entoure, je ne vois rien si ce n'est le sel qui commence à affleurer. La route passe au-dessus de larges rivières asséchées qui descendent de la montagne et partent se perdre dans le désert. Pas une maison depuis 50 km et soudain en voilà une, isolée, 4-5 personnes, quelques champs irrigués et de l'eau qui sort d'un tuyau. Étonnant.



Enfin Robat e-Posht Badam - Reza, que dit la pancarte qu'agite cet homme? - Que le repas est prêt. Mais on va trouver mieux ailleurs. On s'arrête dans le seul boui-boui pour camionneurs. A voir sa veste, le cuistot devait être mécanicien dans une autre vie. Riz, pois chiches à la tomate, le sempiternel oignon cru, du pain et du doogh. Que vouloir de plus! Nous tournons à gauche et quittons les camions. La route est à nous. Reza roule plus vite que sur l'autoroute - il n'y a pas de radars. Je suis curieuse de compter les véhicules que nous allons croiser. Pour les dromadaires, j'en ai déjà deux. Le ciel et l'horizon sont laiteux, la terre d'un ocre grisâtre. Quelques dattiers à l'horizon, Bayaziyeh, minuscule village fortifié avec des murailles de 15-20 m. de haut et quelques cultures.


Lundi 12 mars Merz La photo du désert que Reza nous avait montré, c'est un ciel bleu d'enfer et un magnifique sable orange. Ce matin, c'est: ciel gris, sable gris, température très grise.... et Didier qui rigole car il pleut dans ses bottes restées à l'extérieur. Ils vont vouloir le garder comme chaman! Heureusement que j’ai mon petit fichu pour garder mes oreilles au chaud! Amir, le proprio nous emmène, avec son Toyota 4x4, voir les dunes se faire décoiffer par le vent violent dans l'immensité et le brouillard de sable du désert. Nous quittons les canards qui barbotent dans le réservoir, les agriculteurs accroupis dans leur plantation d'ail, les tracteurs dans les champs de jeunes pousses vertes d'orge pour foncer vers la rivière salée et le dernier village avant 200 km de no man's land. La rivière coule au milieu des dunes dans une vallée d'une vingtaine de mètres de profondeur sur cent cinquante de large. Elle est à sec, juste quelques flaques, avec une eau aussi salée que la décoction que, enfant, maman me faisait appliquer sur mes aphtes. La nuit avec un des meilleurs repas que nous ayons mangés et l'escapade revient à 50 euros pp.


Nous quittons le désert, le sable entre les dents, pour rejoindre Naein, 250 km dans un désert de pierres avec seulement cinq villages le long de la route. Souvent, le midi, nous nous arrêtons à une des rares pompes à essence et mangeons dans le petit resto qui la jouxte. Ce midi ou plutôt cet après-midi, sur les murs, pas de photos des deux Ayatollahs mais un poème louant le vin et des chromos de cascades et de Keukenhof. Et toujours des camionneurs qui viennent remplir au samovar leur Thermos d'eau chaude. Mardi 13 mars Kashan Ah, encore un avantage du foulard, c'est qu'il cache les cheveux blancs. A présent, je comprends Andrée, ma coiffeuse, qui trouvait notre projet de voyage en Iran "saugrenu". Ce n'est vraiment pas un pays de Figaros. La vieille mosquée de Naein est construite sur un ancien temple du feu zoroastrien. Comme chez nous, les plus forts ont recyclé les lieux de culte des plus faibles. Encore 200 km pour relier Kashan, notre première et dernière ville étape. Nous l'avions bien appréciée. Retour dans la grisaille, les nuages touchent terre, je discerne à peine les montagnes à l'horizon. Le soleil nous retrouve à Kashan, à l'entrée, un cimetière, sur chaque tombe de martyr de la guerre, flotte un haut et grand drapeau iranien. Impressionnant! Nous retrouvons avec plaisir notre hôtel, le « Negin". C'est une ville pleine de trésors. Nous avons encore visité deux magnifiques maisons de marchands de tapis et un hammam. L'année prochaine quand je reviendrai visiter le nord du pays, je prendrai - des tuniques longues car les chemisiers, c'est pas trop leur truc. Pendant tout le séjour, pour cacher mes jolies fesses, j'ai porté mon long gilet en mohair. A présent, il est aussi raide qu'un manteau de berger tchétchène. - une casquette marquée « Belgique » pour dire d’où je viens. - des chaussures avec scratch, vu les nombreuses mosquées et maisons avec tapis. - un voyage en avril pour profiter des jardins persans, pour voir de l'eau dans les nombreux bassins, pour sentir le parfum des roses et ne plus geler pendant la nuit. Suffit, il est temps que je ramène Jolly Jumper à l'écurie, Didier dégaine de moins en moins vite. 85

Mardi 13 mars soir - Téhéran Reza nous a ramenés chez Farsane, les doigts dans le nez. Il nous a bluffés. Le soir, à Téhéran, c’est la folie dans la rue. Nous sommes le dernier mardi avant le nouvel an et cela se fête. C'est "Chabar-shambé souri", la fête du feu dont l'origine remonte au Zoroastrisme. Elle a lieu chaque année le dernier mercredi de l'année. Ça pète de tous côtés. On saute au-dessus des feux allumés dans la rue pour assurer la chance pour l’année nouvelle. La musique sort à fond par les fenêtres, des lanternes sont envoyées dans le ciel qui est plein de feux d'artifice. Je danse dans la rue. Sommes nous bien au pays des mollahs? C’est une magnifique "Goodbye party"


Fini Les sourires de complicité des jeunes filles assises à l'arrière des motos. Les bonjours à tout bout de champ. Les glaces à l'eau de rose. Les dizis, les kebabs, le doogh, les pickles de légumes, le thé et le riz safranés. La musique de Reza! Après 3.200 km de route, nous prendrons l'avion mercredi à 3 h 30 du matin. Rien que de l'écrire, cela me fait déjà bailler.


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