Nous quittons nos amis iraniens à la gare routière de Tabriz aux allures d'aérogare.
Le car démarre vers 19h00.
Arrivés à la frontière, les voyageurs doivent sortir tous leurs bagages des bus
et passer la démarcation à pied. Moment de liberté intense quand au centre du pont
qui traverse l’Araxe, le fleuve frontalier, une jeune Iranienne enlève son foulard,
le faisant tourner au-dessus de sa tête en criant « Freedom ».
Le jour se lève sur l’Arménie, sur les montagnes rose tendre et les versants
au sommet desquels s’effilochent les nuages. Après quatre heures d'attente au contrôle,
sous une température glaciale, nous pouvons regagner le car.
Je suis fatiguée, j’étends mon siège sans intention de m’assoupir car je veux profiter
du spectacle. Á présent, la montagne est rousse avec tous ces arbres aux couleurs d'automne. Après avoir longtemps suivi une vallée, nous commençons à grimper
en dépassant des camions sur des routes tortueuses et en mauvais état.
Ouh, ouh, tous les lacets à ma gauche. Quelle belle descente!
Ça sent le mazout et ma tête dodeline, luttant contre le sommeil.
Après cinq heures de route, le chauffeur s’arrête pour la pause pipi. Il était temps!
Le déjeuner est le même qu’en Iran: Thé, lavash, fromage, oeuf, datte, miel.
De nombreuses voitures ont la conduite à gauche : les voitures d'occasion importées
du Japon sont moins chères que les européennes!
Nous avons loué un appartement au centre d’Erevan, un quartier complètement modernisé. Le confort nous change des nuits passées sur les tapis iraniens. La population est jeune.
De grosses cylindrées circulent en ville.
Nous louons une voiture pour visiter le pays et partons pour Areni
et la plus vieille cave viticole au monde. Le logement chez l’habitant
nous ramène quarante plus tôt dans les B&B d’Irlande : les vêtements des propriétaires
sont dans l’armoire, les jouets du gosse dans la salle de bain, la vieille maman
nous accueille après moult péripéties pour trouver la maison à travers les chemins défoncés.
Mais où sont passés les proprios?
La langue est différente, tout aussi hermétique pour nous que le persan.
Et quand l'anglais ne suffit pas, on communique avec les gestes.
Puis, c’est le superbe monastère de Novarank. L'Arménie est le premier état a avoir reconnu le christianisme. Les monastères sont toujours dans leur jus et accessibles gratuitement dans toutes leurs parties.
Nous slalomons entre les vaches et les moutons qui se baladent calmement sur les routes avant d’atteindre le lac Sevan, au bord duquel les vendeurs de poisson attirent les clients, les bras grands ouverts et les index levés puis c’est Dilijan, aux petites maisons nichées dans la verdure, les collines sont couvertes de forêts. Les villes montrent encore l'image
de l'ancienne union soviétique avec tous ces vieux immeubles aux fenêtres dépareillées
devant lesquelles le linge est étendu.
Nous pénétrons dans un paysage montagneux, aux vertes prairies et aux rousses forêts alors que le sud du pays était brûlé et désertique. Nous suivons toujours l’ancienne route
de la soie, avec des vieux collectivos russes et des Ladas qui roulent à fond la caisse.
Á Vanazdor, la ville est encerclée par les tuyaux jaunes du gaz, soulignant les portiques
des propriétés et enjambant les rues. Partout des fontaines où nous rinçons le raisin
et remplissons nos gourdes. Le long des axes routiers, des dizaines de marchands qui vendent la même chose même si d’une ville à l’autre, les fruits et légumes diffèrent quelque peu. Nous atteignons Stepanavan puis via une piste de 20km où les pneus éclatent comme des citrouilles bien mûres, le village désuet de Privolnoye, créé par les Cosaques
en 1840.
Aucun resto, juste en fin d’après-midi, un débit de viande archaïque où l’on nous grille
trois gros morceaux de viande servis avec du lavash, le pain que nous mangions également en Iran. Puis, nous rejoignons les monastères de Haghpat et Sanahin en suivant un canyon au bord duquel s’arrêtent les champs cultivés. Les paysans récoltent les pommes de terre
et brûlent les fanes. Le paysage est superbe et nous chargeons encore un autostoppeur.
Nous rentrons à Erevan où ce matin, le mont Ararat est visible. Aucun nuage ne cache
le sommet enneigé. Ce mont emblématique situé en Turquie est à portée de vue
mais inaccessible pour les Arméniens. La frontière est fermée, tout comme celle
avec l’Azerbaïdjan. On ressent la tristesse du pays. Comme le note Sylvain Tesson
"la douleur y est une seconde nature".
L’Arménie regorge de sites religieux ancestraux, elle est fière de son histoire
et de son immense diaspora dispersée à travers le monde : de nombreux portraits
des Arméniens les plus connus sont imprimés sur des banderoles suspendues
au-dessus des routes, comme celui de Charles Aznavour, décédé pendant notre séjour
à Erevan. Ses chansons passent en boucle dans tous les restaurants et espaces publiques. Une véritable anthologie de sa carrière. Le contact humain est difficile, les gens sont méfiants et parlent peu l'anglais. Le pays est toujours très rural et très religieux.
Nous le quittons pour rejoindre Tbilissi en taxi, moins cher - 60,00 € - et plus rapide
que le train avec l’avantage que notre chauffeur - qui ne parle pas un seul mot d'anglais,
se gratte dans le nez et téléphone sans arrêt - nous arrête aux monastères de Hagharstsin et Gochavank pour le même prix. Le passage de la frontière géorgienne à Bagrastashen
se fait sans encombres.
Nous arrivons à Tbilissi un dimanche de fête où toutes les rues du centre sont rendues aux piétons. Nous tombons sous la charme de ce pays.
Nous y reviendrons un an plus tard.
Commenti